Quand le soap-opéra rencontre Schrader

La sévérité des critiques sur ce film me paraît injuste, tant ce dernier s'en sort avec brio malgré les handicaps de départ. Pour commencer : un budget microscopique de 250 000 $, ensuite : gérer Lindsay Loan sur le plateau, enfin : réussir à faire bien jouer l'acteur pornographique James Deen. Tout ceci, Paul Schrader a su faire avec le talent qui est le sien, non sans l'aide de l'excellent Bret Easton Ellis au scénario.


«The canyons» est un thriller psychologique se déroulant dans l'arrière-cour peu reluisante d'un Hollywood décadent ou le mensonge, l'amour, les coups tordus, le sexe et le crime se mêlent. Loin d'une Californie fun aux couleurs chaudes, Schrader esthétise la ville de Los Angeles, d'un blanc froid, à la frontière de la surexposition. Sur certains aspects, notamment les plans intérieurs, le film est quasiment pensés et esthétisés comme un soap-opéra, jusque dans les personnages qui définissent parfaitement des archétypes : le jeune acteur musclé, mannequin qui veut réussir dans le milieu, le producteur pervers, manipulateur et beau gosse, sa femme pulpeuse et détruite intérieurement, qui préfère la compagnie du salaud riche aux galères d'argent du passé. Que ce soit la photographie ou les comédiens, tout est fait pour nous mettre devant un soap-opéra qui vire au carnage total. Le choix de prendre Lindsay Loan et James Deen n'est pas innocent (en plus de ne pas coûter cher à la production.) D'autant que Deen joue étonnamment bien pour un acteur pornographique, même si le rôle de salaud qu'il interprète est visiblement proche de la réalité, le bonhomme ayant plusieurs accusations de viols sur le dos.


« The canyons» a fonctionné sur moi (comme la majorité des Schrader), je suis rentré dedans sans aucun souci et aurais plaisir à le revisionner. Peut-être même entrera-t-il dans la catégorie des films sous-estimé de ce réalisateur. Peu de metteurs en scène sont capables de faire un film de qualité avec des conditions aussi rudes que celle-ci, il y a Schrader… Et Stuart Gordon !


Il faut lui laisser sa chance et comprendre ses choix artistiques.

BaronDuBis
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le 24 janv. 2022

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