DJ Ellis et Tonton Schrader mixent LA
Comme sur une photo Polaroid exposée au soleil, l'image est jaune pâle, un peu cotonneuse, démodée. Pas assez moderne pour être intemporel, The canyons est pourtant séduisant, presque excitant parfois, aussi vide qu'étrangement habité, aussi désincarné que furieusement désespérant.
Ça commence par un très beau générique hétérotopique à souhait, beau et lourd de sens : le cinéma est mort, le film que les personnages de celui-ci produisent n'a aucun intérêt. Il ne s'agit donc pas de ça, mais d'un trio amoureux devenant cercle, à peine pervers, triste et sans issue.
C'est comme un mashup, du Bret Easton Ellis pour les nuls, une resaucée que l'écrivain pour la première fois scénariste bricole avec un certain savoir-faire. Depuis son sommet littéraire Lunar Park, et Suite(s) impériale(s), prolongement décevant de Moins que zéro, l'ex sulfureux auteur n'a fait parler de lui qu'au travers de déclarations nauséeuses. Il est heureux de le retrouver au travail même s'il semble qu'il ait buggé. The canyons ressemble donc à un roman d'Ellis, sorte de Melrose Place avec un peu de sexe, une histoire sans intérêt hantée par le fantôme de Patrick Bateman, un soap décadent au pouvoir d'attraction indiscutable.
Bricolé avec trois fois rien, soutenu par l'ex future star Lindsay Lohan, le film est mené avec un certain brio par un Paul Schrader libre et plutôt inspiré. Sa mise en scène est à la fois souple et heurtée, un peu abrupte, maniérée, triviale et séduisante. On se félicitera également que le maigre budget nous permette de voir un Los Angeles qu'on ne connait pas, presque provincial, une ville dans laquelle on peut vivre, boire un coup à une terrasse, acheter des DVD. Porté par une BO parfaite, The canyons explore les affres de personnages désœuvrés, pas bien malins, désolants. C'est Christian et sa tête de con, Tara et sa peur de perdre, Ryan et sa petite quête amoureuse.
Lindsay Lohan, boursouflée, est convaincante en looseuse californienne, l'acteur porno James Deen exaspérant comme il faut, et Nolan Gerard Funk parfait en double sosie de Justin Bieber et Mark-Paul Gosselaar, sans oublier le goguenard Gus Van Sant idéal en psychiatre mal fagoté. À l'image de ce casting improbable, la villa de Christian est elle aussi au diapason de ce film mal léché : pas belle mais abritant de beaux volumes, prétentieuse et isolée, improbable et bien réelle.
Ce n'est certes pas un film inoubliable. Certains prendront plaisir à lui cracher dessus et auront tort : The canyons est un petit film qui aime le cinéma. En cela mérite-t-il le respect.