Parmi le hall sans fin des films que personne ne voulait voir, aux côtés du S.O.S Fantômes de 2016 et Dragon Ball Evolution, trône le remake du cultissime The Crow de Alex Proyas. Cela fait des années que les rumeurs d'un retour de la franchise initialement née sous le crayon de James O Barr circulent, et l'année 2024 voient nos voeux les plus inattendus se réaliser grâce à Rupert Sanders, le réalisateur de Blanche-Neige et le Chasseur et du live action de Ghost in the Shell. Youpi.
Ce remake raconte l'histoire de Shelly et Eric, deux jeunes adultes enfuis d'un centre de désintoxication et qui désirent vivre une nouvelle vie d'amoureux passionnels. Le souci, c'est que Shelly a un lourd secret : elle sait que le terrible homme d'affaires Vincent Roeg a fait un pacte avec le Diable et qu'il est capable de prendre l'âme d'innocents musiciens en route vers le succès. Les deux amoureux se font pincer et Shelly meurt. Dans l'au-delà, Eric apprend qu'il peut retourner dans le monde des vivants pour venger les assassins de sa copine.
Alors, même si je n'avais pas spécialement envie de voir ce film, je me suis forcé à sortir en me disant que ce serait pas si mal. Comme beaucoup de fois, j'ai eu tort.
Que dire ? Quels termes employer ? Blasphême ? Honte envers les oeuvres originales ? Ennui mortel ? Mmmh tous à la fois, et je vais même développer.
Sachez que The Crow d'Alex Proyas est l'un de mes comfort movies. Quand j'ai le blues, qu'il pleut dans les rues grises des grandes villes, je repense toujours à ce superbe film, à sa belle histoire, sa belle musique et au pauvre Brandon Lee mort pendant le tournage.
Et je n'ai ressenti aucune émotion similaire durant mon visionnage du film de Sanders. Parce que toutes les émotions que dégagent le film sont nauséabondes d'artificialité et de non-sens. L'amour, la haine, profiter d'une oeuvre artisanale qui dégage une atmosphère et qui se base sur une esthétique underground, PFFRRRRTTT ! À quoi bon faire un film avec une âme quand on peut juste essayer de parler aux ados avec nos personnages écrits avec le cul et tatoués jusqu'au trou d'balle ?
On ne le répètera jamais assez : quand les gros studios s'emparent d'esthétiques undergound pour plaire aux jeunes, ça ne marche jamais ! Mais à vrai dire, quel underground ? Que ce soit les gentils ou les méchants, tous sont fringués avec des vêtements de luxe et filmés comme dans des pubs pour du parfum. C'est même carrément l'inverse d'ubderground en fait !
Car oui, sans surprise, ce film est propre. Comme un morceau de savon enduit dans du cirage brillant, ce film sent """""bon""""" le numérique et la facilité. Que ce soit les décors ou la mise en scène, tout est d'une platitude presque terrifiante, aucune âme ne se dégage des décors lisses et colorés. Et c'est pas parce qu'il y a des effluves de sang et quelques tatouages que ça ajoute une âme à cette toile vide de vie. Au contraire !
Et cette platitude lisse se ressent aussi dans l'écriture. Les dialogues essaient d'être poétiques pour ne s'avérer que vides de sens, le scénario est bancale et l'histoire est bien trop rapide. Pour rappel, dans le film original, Eric attend un an avant de revenir dans le monde des vivants. Ici, quelques minutes et hop là ! Revoilà la tête à claque de Bill Skarsgard qui va vers les méchants avec son maquillage qui fait peur et son sabre japonais, parce que les sabres c'est coooooooollll...Putain quel honte de faire un film aussi plat et bête que ça. Le paradoxe dans cette équation c'est qu'il y a beaucoup plus de scènes d'exposition et de développement des personnages que dans le film de Proyas.
Tout ça pour quoi ? Pour rien : Shelly et Eric tombent amoureux en quelques minutes, ils sont fous l'un de l'autre après quelques jours, c'est pas du développement, c'est juste montrer en accéléré ce que l'oeuvre de 1994 expliquait à merveille en à peine quelques instants. Et que ce soit les méchants, le gardien du monde des morts ou les protagonistes, ils sont tous plats et sans intérêts. Dans le film de 94, les méchants étaient caricaturaux pour jouer avec une ressemblance avec le comics, des vilains gueulards et hauts en couleurs. Ici ce sont juste des riches qui sont méchants parce que.....tous les riches du monde sont méchants, c'est un fait avéré !
Les rares scènes de bagarre sont sans intérêt, les décors extérieurs sont moches et banales, le costume d'Eric est nul, les voix-off et les flashbacks sont inutiles, et la musique est...correcte. C'est bein la seule chose pas complètement nulle dans ce foutoir de honte. En vrai je suis mauvaise langue, l'idée d'achever le récit sur une note douce-amère était pas mauvaise. Mais à part ça, quel ennui !
De chouette bande-dessinée (que j'ai toujours pas lu, oups), à trésor gothique du cinéma d'action indé des années 90, la franchise The Crow aurait pu être merveilleuse et reposée en paix après le décès de son acteur vedette, mais il a fallu qu'elle soit violée pour faire des suites en VOD minables, des jeux vidéos pourris et des séries TV que tout le monde a oublié. Si vous espériez que Eric Draven et son corbeau fassent leur grand retour cette année, vous risquez de pleurer encore plus que moi.
Et c'est marrant parce que là où certains remakes peuvent donner de l'engoument autour d'une franchise auprès de la nouvelle génération de spectateurs (si on regarde les avalanches de suites et de remakes de films d'horreur par exemple), autant je pense que le film de Rupert Sanders ne dépassera jamais celui d'Alex Proyas en terme de popularité. Probablement parce que c'est une oeuvre au tournage terrible, mais aussi parce que c'est un film adoré par tous les gothiques du monde entier, ainsi que par les amateurs de films d'action originaux.
Va à la niche Sanders, on s'en sort très bien sans toi !
P.S: si quelqu'un qui travaille chez Delcourt lit cette chronique, pourriez-vous rééditer l'intégrale du comic original ? J'ai fait des dizaines de librairies spécialisées et toutes sont en rupture de stock !