The Dark Knight - Le Chevalier noir par Spectateur-Lambda

Vu l’accueil globalement dithyrambique qu’a reçu ce deuxième volet de la trilogie de Christopher NOLAN dédiée au super héros le plus sombre de l’univers des comics, il est tentant de se draper dans la posture du critique cinéphile insensible aux avis populaires et de s’évertuer à dénicher le défaut majeur qui permettra de montrer son infinie fatuité en prouvant au monde des profanes comme il a tort d’aimer ce film. Pourtant il faut reconnaître qu’il est difficile de trouver un défaut majeur à ce deuxième essai.


Au contraire, Nolan semble avoir pris conscience des deux principales faiblesses de son film précédent, en développant une mise en scène de l’action bien mieux maîtrisée, bien plus limpide, qui offre un grand spectacle tout en restant cohérente, alors on pourra toujours trouver pour les esprits chagrins quelques scènes de combats encore hésitantes, mais l’ensemble des mouvements de caméras, leurs placements et les cadres où elle opèrent rehausse nettement le niveau général.

Ensuite il gomme totalement le parti pris du premier film qui consistait à mettre en lumière ce qui faisait le sel de Batman, sa noirceur profonde, redire sa radicalité et quelque part sa morale guidée par les désirs de vengeances, plus que par un sens de la justice impartiale. Cette sombre part, redevient à tel point central dans le récit, qu’elle en devient un personnage à part entière. Elle sera d’abord l’opposition aux valeurs étalons de son pendant lumineux, le procureur Harvey Dent dont les méthodes chevaleresques guident sa soif de justice, là où celles qui guident Batman relèvent du mythe du chevalier noir, tel le prince Machiavel pour qui la fin justifie les moyens. Elle sera également l’atout de ses ennemis pour le discréditer auprès de l’opinion publique, montrer à cette catin de Gotham City, comme aux Sodome et Gomorrhe bibliques, ce qu’elles méritent tant en termes de pénitences qu’en termes de saluts. Enfin cette part sombre sera le levier principal du Joker pour prouver qu’il n’y a que dans le chaos et la destruction que peuvent surgir la vérité, et que cette vérité ne reflète que l’âme profonde du monde et de la société, et qu’il lui appartient à lui de jeter à la face des habitants cette prise de conscience douloureuse.


Mais alors que le chevalier blanc cédera aux sirènes du mal apostasiant tout son credo, tandis que l’opinion mise face à ses choix optera pour la voie de la sagesse et que le Joker échouera à faire sa théorie vérité, on nous montre que c’est dans la cohésion, le respect de sa parole, le respect de ses valeurs qu’on doit tracer sa route, qu’importe les écueils. C’est l’incorruptible incarné par l’inspecteur Gordon, ce sont la fidélité et l’amitié qui sont Alfred et Lucius Fox qui jalonnent la route sombre du héros des lumières qui le guident vers sa destiné et sa croisade.


Si comme pour le premier film l’ensemble du casting est brillant avec des acteurs et des actrices qui servent admirablement leurs personnages et l’écriture de ceux ci - j’aurais aimé à titre personnel revoir Katie HOLMES reprendre son rôle de Rachel, mais je n’ai aucune critique négative à formuler sur la prestation de Maggie GYLLENHAAL - mais la prestation la plus incroyable revient sans contestation possible à Heath LEDGER qui incarne un joker saisissant. Il envahit l’espace mais encore plus subtilement tout le hors champs, et même son jeu brise le quatrième mur et vient nous percuter le conscient et ce qui relève du sensoriel mais aussi l’inconscient et tout ce qui relève du subjectif. Grandiose, sûrement l’une des incarnations du joker les plus magistrales, flirtant avec les frontières du grotesque et de l’absurde sans jamais y tomber comme pouvait le faire avant lui Jack NICHOLSON, exprimant la folie d’un homme dont l’intelligence redoutable nous renvoie à la folie de la société, un méchant effrayant qui tout comme le Joker (2019) de Todd PHILLIPS le fera des années plus tard, est d’avantage le catalyseur d’une société malade de sa violence et de sa folie sourde que juste un homme malhonnête. Il faudra d’ailleurs attendre la prestation de Joaquin PHOENIX pour retrouver un Joker aussi mémorable.


Un film brillant, sombre et pessimiste, mais brillant.

Spectateur-Lambda
8

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Créée

le 4 oct. 2022

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