Let's put a smile on the face of fear
La rediffusion sur TF1 de The Dark Knight m'a donné envie de visionner ce film à nouveau. Résultat de quoi, je ne peux que constater les qualités de ce blockbuster que j'avais déjà vu à plusieurs reprises au cinéma. Je n'arrive pas à trouver de défauts tant le scénario est intelligemment construit pour que les 2h30 de film ne souffrent d'absolument aucun temps mort et Christopher Nolan tire toute l'essence d'un personnage mythique dans la culture occidentale. Car ce qui doit être une trilogie pour le réalisateur et qui avait très bien commencé avec un Batman Begins qui renouvelait le genre du super héros américain en le rendant plus sombre et beaucoup plus ancré dans la réalité (même la ville factice de Gotham nous apparait comme appartenant totalement à l'histoire, la politique et la géographie américaine) trouve ici un second opus faisant office de pilier central dans l'histoire et contrairement à beaucoup d'histoires entreprises en trois volets, ne souffre d'aucune faiblesse. Au contraire, The Dark Knight renforce l'histoire, la fait évoluer et approfondit même tous les éléments déjà présents dans le premier film.
Tant et si bien d'ailleurs, qu'on peut parler de chef d'œuvre là où Batman Begins restait un très bon film d'action. Certains facteurs ont été déterminants.
Premièrement, et même si je ne fais que répéter ce que la plupart des spectateurs a pu constater, c'est en grande partie dû au jeu tout simplement époustouflant du regretté Heath Ledger. La presse, au moment de sa sortie en salles avait blâmé la production de se servir de l'image du Joker alors même que l'acteur venait de mourir et criait même dans certains cas au coup marketing pour attirer les foules. Sur ce point, je ne suis pas d'accord. On ne peut pas contester la performance hors normes de l'acteur dans le rôle d'un des plus grands méchants que l'Amérique ait connu dans son histoire culturelle. Car c'est ce qu'il incarne et avec brio de surcroit. Jamais, ou presque, dans mes souvenirs cinéphiliques, je n'ai vu un méchant aussi cruel et charismatique à la fois. Le Joker représente tout ce que l'Amérique ne veut pas être, le désordre, l'anarchie et la méchanceté pure, sans autre but que l'anéantissement du système et les frères Nolan, au scénario comme à la réalisation le rendent palpable, réel.
On est bien dans une histoire de super héros mais plus dans la configuration classique du combat du bien contre le mal. Non, on voit un psychotique intelligent détruire tout ce qu'il touche, s'en tenant à un plan somme toute scrupuleusement étudié et voulant prouver au monde qu'il n'est qu'un ramassis d'ordure, vain et sans avenir. Le héros Batman tente tant bien que mal de s'en tenir aux règles établies mais n'y parvient finalement pas. En cela, le Joker réussit son œuvre et oblige le héros à se faire passer pour un tueur, image tout ce qu'il y a de plus contraire à la vision originale. Et par la même occasion, il fait avancer l'histoire en trois chapitres de Nolan. Le héros ne sera pas comme tous les autres, il va devoir faire des sacrifices sur sa personne en plus de ses proches, subir les actions de ses adversaires et les déjouer en suivant leurs règles, faute de quoi, il perdra le combat.
La scène d'ouverture pourrait laisser présager un autre blockbuster à l'américaine avec un méchant au plan machiavélique face au héros triomphant à la fin mais il n'en est rien. Elle prend d'ailleurs toute son ampleur après visionnage du film. En effet, en une scène, Christopher Nolan nous laisse découvrir l'ampleur de son personnage, son style nouveau et très loin du Jack Nicholson de Burton mais ne nous laisse en aucun cas comprendre ses agissements. D'ailleurs, c'est seulement à la fin du film qu'on peut s'apercevoir qu'il n'est rien d'autre qu'un fou furieux capable de tout détruire, de bouleverser l'ordre établi. Ainsi, les deux frères nous emmènent dans une histoire au chemin sinueux, où même Batman se laisse abuser et n'en réchappe que de justesse, moralement comme physiquement, il n'est plus le milliardaire aux gadgets multiples et invulnérable de mon enfance, il n'est finalement qu'un homme qui tente de suivre ses principes à la lettre et qui lutte pour la survie d'un système qui se doit d'être remis dans le droit chemin.
Un point qui se doit d'être éclairé, la comparaison avec les Batman de Burton. Les deux façons de voir les personnages sont bonnes. Tim Burton adapte un personnage à son monde mais sa vision ne collerait sûrement pas à notre époque. Très années 80, son récit fait surtout l'apologie des gadgets de Batman et du côté loufoque du Joker, repris dans le dessin animé du début des années 90 alors que Nolan veut rendre son récit beaucoup plus réel et absolument pas futuriste. Dans un contexte où les Etats-Unis et le monde occidental en général a une peur absolue du terrorisme, Nolan lui donne un visage, aussi bizarre soit-il et pour une fois, il est né au sein même dans la si grande Amérique, de l'Etat gendarme.
Pour conclure, je dirai simplement qu'il s'agit à mon sens d'un chef d'œuvre absolu, jouissif dans tous ses aspects et qui réussit à faire quelque chose que personne n'avait réussi, pas même Burton : rendre le Joker aussi intéressant que Batman sans pour autant reléguer ce dernier au statut de rôle secondaire. Et pour quelqu'un de ma génération, ayant baigné dans la culture Batman tout petit grâce notamment aux dessins animés, ce n'était pas une mince affaire. Bravo M. Nolan, espérons que la conclusion de l'histoire sera tout aussi réussie.