« Tea and Sympathie » est le rôle dévolu à Laura auprès des étudiants qui réside dans la maison qu’elle occupe avec son mari, professeur bien viril et bien dans les « codes », qui partagent les deux premières lettres avec un synonyme de bêtise. Mais voilà, Laura (Deborah Kerr) en prenant la défense d’un étudiant si peu intéressé par les demonstrations de testosteronne que ses « camarades » le surnoment « Sister Boy », va d’abord se prendre pour sa mère, puis… Le plus étonnant c’est que le film qui traite des penchants homosexuels et de l’amour incestueux entre ce que l’on n’appelait pas encore une cougar, et un ado sexuellement attardé, put se faire alors que le code Hayes n’était pas encore aboli. Avec une finesse et une cruauté constante, Minnelli semble conclure une trilogie sur la persécution qu’entraine la différence, commencée avec « La toile d'araignée” (John Kerr y interprétait déjà le bouc émissaire). Dans les deux premiers (« La vie passionnée de Vincent van Gogh » était le deuxième), le persécuté est un peintre incompris de ses contemporains et persécuté de manière plus ou moins consciente par son entourage, comme s’il voulait l’empêcher de s’affranchir de la dureté du réel, par la magie de son art. Ici, point d’artiste, ni de réel misérable et laid, point de personnages prêts à aider sans faire l’effort de comprendre, Laura excepté. Mais une exposition en règle des turpitudes liés au bonnes convenances, au sein d’un campus aussi magnifique qu’étouffant que Minnelli filme comme un décor de théatre, majoritairement dans des pièces minuscules, selon les standards US, accentuant encore l’étroitesse du propos. Avec un mise en scène d’une élégance et d’une précision de montre Suisse, le cinéaste explore l’héroïsme enfantin (le mari mort à la guerre en voulant prouver qu’il n’était pas un lâche, Tom qui veut montrer qu’il est un homme en tentant de séduire une horrible poufiasse sur laquelle tout le campus est passé moult fois), les difficles rapports père-fils, le mari si viril qu’il en oublie d’honorer son épouse, la lâcheté de l’ami prêt à l’abandonner… La construction de l’identité de Tom, au sein de cet univers aussi hostile que policé, commence avec le début de la rédemption de Laura, dans l’une des plus belles scènes d’amour de l’œuvre Minnelienne. Trop fin pour un certain public, le film qui fut un flop total à sa sortie, souffrira de nos jours d’une tendance explicite, que le cinéma américain de l’époque ne permettait pas. Tel quel, il reste l’un des films les plus cruels de Minnelli, mais aussi l’un des plus beaux et il offre à la sensible Deborah Kerr un rôle magnifique. Au théâtre, la pièce fut interprétée par la grande Ingrid Bergman. Son mari, Roberto Rossellini, un des cinéastes le plus surestimé de l'histoire, refusa de la porter à l'écran.