Ce projet fou, sorti en DTV en 2009 même si le film date de 2006, il est resté trois ans dans les tiroirs, est un conte sombre à la gloire du septième art. Rien que ça. Cette sortie sacrifiée est indigne de l'ambition formelle offerte par ce spectacle grandiose et époustouflant qui aurait ravi les yeux des spectateurs sur des écrans king size plutôt que sur les TV lors de sa diffusion sur Arte.
Honte aux distributeurs, une fois étant malheureusement coutume malgré le soutien financier de grands noms comme David Fincher et Spike Jonze. Récompensé au festival de Toronto, il aura fallu plusieurs années pour que le film se fasse connaître sur la toile et gagne en notoriété laissant la France bonne dernière dans le timing avec au moins trois trains de retard.
Le tournage dantesque se déplace dans une vingtaine de pays différents, sur tous les continents, et dura plus de 4 ans, la démesure du projet rappelle Terry Gilliam dans ce qu'il a de plus noble, à savoir la créativité et l'audace et le plaisir d'offrir au spectateur des plans à couper le souffle.
Première image, un visage émerge de l'eau à travers les gouttes.
Là apparaît le chien de "The Artist" avant qu'il ne connaisse une gloire mondiale grâce à Jean Dujardin. Quel casting mes enfants XD
Le générique, en noir et blanc et au ralenti nous met dans le bain dès le départ en nous montrant "la chute".
Nous sommes en 1920, sur le tournage d'un film et un accident prive l'un des acteurs de l'usage de ses jambes et son pauvre cheval de la vie. Plastiquement sidérante, cette introduction fascine.
A la fin du générique, le spectateur est projeté dans un hôpital et plus précisément dans la chambre qu'une petite fille occupe avec d'autres enfants malades. "Elle a tombé", elle aussi. Pareil que le monsieur acteur de la chambre de dessous.
Ces deux blessés (au propre comme au figuré) se rencontrent par le hasard d'un coup de vent et avec eux, nous allons être projetés en des lieux aussi divers que magnifiques pour vivre en leur compagnie des histoires merveilleuses.
Elle a perdu sa famille, il a perdu son amour. Elle cherche à s'évader, lui aussi mais définitivement. Il veut fuir sa vie. Il lui raconte des histoires pour obtenir la mort de ses mains.
Habité par la mort, "The fall" est un hymne à l'amour. A l'amour du septième art dans ce qu'il a de plus noble et de plus valeureux.
La porte qu'il ouvre dans l'imaginaire de ceux qui le découvrent, les valeurs qu'il peut y développer, la passion qu'il suscite...
La pluriculturalité est également de mise puisque toutes les histoires racontées mettent en valeur les cultures d'ici et d'ailleurs.
Se développent alors deux intrigues parallèles. Celle des deux êtres vulnérables dans leur lit d'hôpital et celle des aventures imaginaires comprenant parmi ses rangs un bandit de grand chemin, un esclave africain, un guerrier indien, un expert en explosifs... et Charles Darwin flanqué d'un singe savant.
Une intrigue ne vampirisant jamais l'autre, nous passons de l'une à l'autre sans jamais se sentir perdu puisque les images fabuleuses ne marchent qu'en concordance avec le dialogue des deux malades.
Tarsem Singh offre ici au cinéphile plus qu'une immersion réjouissante dans un monde fantasmé, cruel et inattendu, les multiples niveaux de lecture aidant... Il propose ainsi un conte pour petits et grands, un conte filmé qui a la force des légendes fondatrices mais à la gloire de la vie et du septième art.