Un film de plateforme au postulat original et excitant, c’est souvent le cas. Mais la grande majorité du temps, le déroulement et le traitement qui vont suivre s’avèrent des déceptions ou, pire, du foutage de gueule pour le spectateur. La liste de ce genre de films est longue et s’ajoute à celles de toutes les productions génériques à gros budget (ou non) dont Netflix, Prime et, peut-être à moindre mesure Apple, nous abreuve tous les ans. Il n’y a qu’à voir récemment le générique « Back in action » de Netflix ou le « Black Canary » de Prime d’une banalité et d’un déjà-vu fatigant. Et justement c’est Apple qui nous propose « The Gorge » est son pitch hautement alléchant et mystérieux. Une fois n’est pas coutume, l’exécution va se révéler à la hauteur des attentes provoquées par ses prémisses et son synopsis. Pour une bonne partie du long-métrage en tout cas et nous faire ainsi passer un très bon moment de divertissement maîtrisé, généreux et même parfois étonnant quand bien même il y a tout de même quelques écueils à déplorer.
Lorsque l’on voit qu’à la barre de « The Gorge » on a le talentueux Scott Derrickson, on sait déjà qu’on a affaire à un artisan doué et un honnête faiseur. Peut-être pas un grand cinéaste comme un Nolan ou un Villeneuve c’est sûr, mais de ceux du même acabit que James Mangold ou Peter Berg qui proposent en général des films de tous types, bien faits et avec talent, auxquels ils manquent juste peut-être plus d’ambition et cette petite patte artistique qui fait la différence. On lui doit l’un des meilleurs films d’horreur de tous les temps (« Sinister ») mais aussi le réussi « L’exorcisme d’Emily Rose » ainsi que le premier volet de « Doctor Strange ». Il y a eu certes certains couacs comme le raté « Le Jour où la Terre d’arrêta », mais en général on prend plaisir devant les films de studio de ce réalisateur. Ici, outre le postulat intrigant de cette gorge aux profondeurs inconnues séparée en deux et gardée par un américain a l’ouest et un russe à l’est, il y a une note d’intention sentimentale, d’où la sortie du film à la Saint-Valentin. On aura donc un duo mixte avec une romance entre deux acteurs à la mode et très prometteurs que sont Miles Teller (« Top Gun, Maverick ») et Anya Taylor-Joy (« Furiosa »), tous deux très à leur place et convaincants et chaperonnés par une guest star de choix en la personne de Sigourney Weaver. Le mélange des genres entre action et romantisme fonctionne bien même si le second est moins appuyé, on sent en effet Derrickson moins à l’aise dans ce domaine mais l’originalité de la situation fait oublier cela. Et l’ajout de la science-fiction horrifique à ce cocktail est l’ingrédient qui lie admirablement le tout.
On est donc totalement captivé durant plus de deux heures par ce long-métrage à gros budget au visuel très abouti. Certes un peu référencées (on pense à « The Last of Us » ou « Annihilation » pour le design des créatures), la mise en scène et l’identité formelle de « The Gorge » n’en demeurent pas moins flatteuses pour nos yeux et les effets spéciaux sont de très bonne qualité. Les débuts de la descente dans la gorge sont d’ailleurs aussi haletants que probants. Et on sent Derrickson à l’aise pour mettre en scène des univers effrayants et morbides, qui ont le mérite de nous surprendre ici. C’est peut-être juste dans le dernier tiers que l’emballement général provoqué par le film retombe un peu. La résolution du mystère est un peu trop classique en rapport avec ce qu’on a vu précédemment, voire même presque trop banale, et le final retombe dans la trivialité hollywoodienne pour assouvir un cahier des charges de spectaculaire. On ne rechignera pas tant les séquences d’action sont réussies et satisfaisantes. On a donc une mise en bouche fascinante suivi d’un mélange des genres osé et pertinent puis un dernier acte plus consensuel mais tout de même correct. En bref, « The Gorge » est une bonne surprise dont on se demande pourquoi on n’a pas eu la chance de la découvrir sur le grand écran.
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