Le pompier a des contraintes professionnelles peu adaptés à la vie de couple et à fortiori familiale. Je me suis laissé dire que la fonction du bal des pompiers est qu'il rencontre l'amour, idéalement en la personne d'une infirmière au planning aussi peu commode que le sien.
Nous allons assister à un bal où le sniper rencontre sa snipette, aussi socialement inadaptée et culpabilisée que lui. Après tout, malgré leur virtuosité, ils ne sont que des assassins planqués. D'où une longue partie dédiée à la romance entre ces cas sociaux. A ce sujet, arrivant à un âge où je suis un peu lassé de visionner des coïts, j'ai été très agréablement surpris par la scène érotique délicieusement et humoristiquement floutée.
Romance ? Pourtant, c'est un film d'espionnage ou plutôt de science-fiction. Non, fantastique et même d'horreur. Non ?
Et bien on passe de l'un à l'autre.
Ce film, s'il était sorti dans les années 80, aurait ravi les tenants du post-modernisme y discernant des citations stylistiques, un cut-up courageux et avant-garde entre genres demandant un effort d'adaptation au public. Aujourd'hui c'est mainstream et juste assez surprenant pour aiguiser la curiosité. Un peu comme un nouveau cocktail.
En fait, c'est pas mal du tout. J'ai juste été déçu par quelques aspects.
Si j'abonde dans le sens de plusieurs Sensés sur la qualité de l'univers visuel, de sa gamme de couleurs, de la photographie et des effets spéciaux, je ne les suis pas sur le rendu des Hollow Men. Je vois souvent le cascadeur derrière le déguisement et je ne comprends pas pourquoi un être mi-humain mi-plante a des yeux comme les miens, un comportement de carnassier, fait des roulades et des grimaces et se laisse abattre d'une balle. C'est assez peu inventif.
Je n'ai pas pu m’empêcher d'évoquer un dialogue signé Alain Chabat :
- Mais pourquoi est-il si méchant ?
- Parce que !
Bon, il est vrai que cela a été préparé par une plante carnivore qui a failli avaler notre Levi. Elle avait tout du vagin denté ! Oui, Levi, c'est son prénom, ce n'est pas une paire de jeans.
Comme d'autres Sensés, j'ai relevé quelques incohérences qui cassent la crédibilité, même relative au style. Nos deux héros ne semblent pas plus surpris que cela de surveiller "la porte de l'enfer", de découvrir des morts-vivants ou un drone fusée. Un minimum de perplexité, voire de stupéfaction, une tentative de sa rattraper à la rationalité auraient été bienvenus. Non, il reste impassible et elle continue de minauder.
Pour compenser ce parti, les auteurs ont trouvé une soupape qui autorise tout : la littérature et même la poésie. Le fait - assez peu courant dans l'armée US je parierais – que notre sniper soit poète, que les anciens gardiens notent sur les murs des citations de T.S. Eliott et même de Jean-Paul Sartre (mais qu'est-ce qu'il fout là !), nous propulse dans un monde référentiel bien plus vaste que celui du cinéma. Tout devient possible et il n'y a plus à s'en étonner.
Intelligemment cela a été préparé par la scène assez "poétique" durant laquelle Drasa retrouve, devant la tombe de sa mère, son père, lui-même condamné par la maladie. Il a une tête de clochard céleste, joue du Bach à l'accordéon dans le cimetière. C'est bien joué et le dialogue est de bonne tenue. La rupture est franche avec la scène précédente de "licence to kill" et l'évocation slavisante se situe un peu au-dessus du folklore de notre Babayaga préférée, John Wick.
Mais il y a plus structurel.
Le coup du virus, du programme "top secret", de la recherche militaire qui déraille, de la compagnie privée paramilitaire, et des mutants à moitié plante, c'est déjà vu, donc confortant ou décevant suivant les goûts. Pour moi, c'est usé.
Je ne veux pas être "calife à la place du calife" (comme disait Iznogoud) mais si j'étais un des auteurs, je serai allé voir un peu ailleurs. Quant à être littéraire j'aurais fouiné dans les livres, par exemple, du côté de Lovecraft qui écrivait aussi des poèmes. Cela aurait confirmé le genre fantastique et permis une suite ailleurs que dans la restauration (elle en salle, lui en cuisine, véridique !).
Bon, je vais pas refaire le match. Le choix de faire venir la méchante ("Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira TA toi !") simplifie les choses et permet de fermer la boucle.
Puis un épilogue dans notre Sud, à Eze. Dis-donc, c'est la mode aux US, Criminal Squad Pantera se passe à Nice. Il y a des accords de coprod ou quoi ? Pourvu que Donald n'y vienne pas en vacances, il me fait peur !