The Grand Budapest Hotel est un film qui est construit comme des Poupées Russes. Chaque poupée est une époque différente, avec un narrateur, un style visuel, un format d'image différent. On nous y conte l'histoire du Grand Budapest Hotel, somptueux palace situé en Zubrowka (un pays imaginaire d'Europe de l'est) au moment où la guerre semble imminente et où l'ombre du fascisme pointe sa sale gueule. L'hôtel comme l'Europe connaissent leurs dernières heures de gloires

Monsieur Gustave, le concierge de l'Hôtel est un dandy qui élève la politesse, l'élégance, la légèreté et la beauté au rang de morale et de style de vie. l'élégance avant tout, quitte a n'être qu'un rempart dérisoire face au mal. Zero Moustafa, jeune Lobby Boy est engagé et pris sous la coupe de Monsieur Gustave . Ce dernier est très serviable, et autant par goût du service de qualité que pour son plaisir personnel, il couche régulièrement avec les octo-nono-génaires de l'hôtel . Parmi elles, Madame D (Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis, quel nom !) casse sa pipe, et ça ressemble bien à un assassinat. Problème, la vieille comtesse lui lègue un tableau d’une valeur considérable, et la famille d’affreux jojos ne compte pas le laisser partir avec. Après avoir volé le tableau, s’engage une aventure rocambolesque, très drôle et aussi terriblement poignante et à l’issue terriblement sombre. Sombre, car les précautions infinies de Monsieur Gustave ne pourront rien face au fascisme et à la barbarie en marche.

Le film montre comme souvent chez Anderson une vraie nostalgie (par opposition à une nostalgie de façade , cosmétique, et creuse), une nostalgie d’une époque insouciante et révolue. Et c’est là qu’intervient le thème de la transmission. Car bien qu’ayant échoué au final, la philosophie de vie de Monsieur Gustave, c’est aussi celle de Wes Anderson, il y croit malgré tout et tout en ayant conscience de son dérisoire. Et dans le film, l’enjeu est de transmettre ces valeurs immatérielles, qui disparaitraient si elles n’étaient pas racontées. L’histoire en poupées russes avec Zero Moustafa qui raconte son histoire à l’écrivain et l’écrivain qui raconte l’histoire dans son livre sont là pour qu’il reste une trace, un souvenir de tout ça. Monsieur Gustave comme Wes Anderson façonnent le réel pour mettre à distance le malheur, que ça soit en présentant bien, en mettant de côté ses colères , ses tristesses, en les noyant sous des litres de parfum (l’Air de Panache <3), en se relevant toujours, en trouvant le beau et le bonheur là où l’on peut, ou en construisant des films jolis, avec des beaux décors, des jolis costumes, de charmantes miniatures, des personnages hauts en couleurs. Ne pas s’y tromper, sous ses dehors de gros gâteau coloré, The grand Budapest Hotel est un film sombre, mais pas complètement désespéré. L’émotion nous prend par surprise presque, sans qu’on s’y attende. Le film aurait pu être une fantaisie ou les troupes de la mort Nazies sont figurés par des grands idiots sous le sigle fort rigolo de ZZ (Zig Zag), et ça aurait été recevable, mais c’est d’autant plus fort quand Anderson laisse passer ce genre de choses au premier degré. C’est assez nouveau chez lui.

Malgré tout, le film est un vrai bonheur, il est esthétiquement sublime (comme toujours chez Anderson, mais particulièrement ici : couleurs, cadrages, costumes, détails qui fourmillent partout dans l’image… c’est à se damner), très enlevé et dynamique (les quelques scènes d’action sont vraiment excellentes, mention spéciale à la descente a ski en stop motion, ou l’evasion), très drôle et cruel parfois (pauvre chat!) . Tous les personnages , même secondaires (en fait en dehors de Zero et de Monsieur Gustave, le reste du casting n’apparait en général pas bien longtemps) existent et son formidablements écrits et interprétés . Le casting comme toujours Chez Wes Anderson est proprement hallucinant et ici, il faut dire qu’ils sont tous incroyables (Tilda Swinton comme toujours, bien sur, mais aussi Matthieu Amalric, Willem Dafoe, Adrien Brody, Jeff Goldblum, Jude Law…) Et surtout Ralph Fiennes, qui est vraiment enorme là dedans. Son plus beau rôle, pour moi. Il bouffe le film , c’est un presque One-Man-Show, mais sans aucune lourdeur… Tout passe avec lui. Le petit jeune qui joue Zero est très bien aussi ;)

Chef D’oeuvre.
Benjicoq
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films 2014 - Top en cours et Les meilleurs films de Wes Anderson

Créée

le 1 mars 2014

Critique lue 459 fois

5 j'aime

Benjicoq

Écrit par

Critique lue 459 fois

5

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

233 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

American Bluff
Benjicoq
3

Interesting trivia: The original title of that movie was Explosion at the Wig Factory.” *

Encore un film à récompenses qui ne vaut rien ... Je n'ai pas été intéressé le moins du monde par ce qui se passait à l'écran. Les personnages n'existent pas, ils ne sont que des coquilles vides...

le 5 févr. 2014

12 j'aime

Jeune & Jolie
Benjicoq
9

Critique de Jeune & Jolie par Benjicoq

Je viens de me rendre compte que ce film suscite une polémique à deux balles. il paraîtrait en fait qu'Ozon est un gros porc libidineux qui adore filmer ses fantasmes de jeunes nichons fermes (oser...

le 21 août 2013

11 j'aime

22

The Revenant
Benjicoq
4

Critique de The Revenant par Benjicoq

Je ne suis visiblement pas client du cinéma d'Iñárritu. The revenant ne fait que confirmer la tendance pour moi : ce mec ne peut pas s'empêcher de se regarder filmer et ça nuit vraiment à ses films...

le 28 févr. 2016

10 j'aime