Au pays de la naphtaline, le spectateur s'ennuie

Il fut un temps où le cinéma de Wes Anderson était bricoleur, coloré, foutraque et original. On aurait même pu dire qu'il était moderne. Mais ça, c'était avant. Ce qu'on craignait déjà avec son précédent film se confirme : à force de se répéter que "c'était mieux avant", Anderson à troqué la fantaisie pour la naphtaline.

Ça commence avec cette voix off narrative qui ne va jamais nous lâcher. Insupportable et plombante, elle transforme le récit en livre d'images pour jeune fille modèle. C'est triste et poussiéreux, poussif, sans relief. Le style de Wes Anderson s'est transformé en maniérisme étriqué. On ne respire pas, on étouffe. On ne s'intéresse à rien, rien ne palpite, c'est compassé et creux, sans souffle.

Comment Wes Anderson peut-il prétendre s'être inspiré de Stefan Sweig ? Où est le romanesque de 24 heures de la vie d'une femme, de La confusion des sentiments ou du magnifique Ivresse de la métamorphose ? Résumant ses références à d'interminables vignettes engoncées, cartes postales désuètes d'un bouquiniste désolant, il se contente de mener à terme un récit sans rythme et sans intérêt. De l'hôtel du titre on ne voit quasiment rien. C'était bien la peine de nous laisser imaginer la mécanique de la grande bâtisse, si c'était pour nous laisser poireauter dans le hall.

Le casting XXL cabotine à mort, chacun faisant son petit numéro avec conviction, plutôt brillamment il faut bien l'avouer, mais on est en droit de se demander pourquoi. Multipliant les apparitions de têtes connues, le film n'en finit pas de ne jamais avancer, se terminant du coup sans avoir commencé.

On s'ennuie, on perd le fil, on n'écoute plus, on ne lit plus les sous-titres. On regarde les images comme autant de pièces d'un jeu des 7 familles, tout en sachant que la partie est perdue.
pierreAfeu
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2014 • Film par film et 2014 • TOP -10

Créée

le 2 mars 2014

Critique lue 662 fois

19 j'aime

pierreAfeu

Écrit par

Critique lue 662 fois

19

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

233 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

Nocturama
pierreAfeu
4

The bling ring

La première partie est une chorégraphie muette, un ballet de croisements et de trajectoires, d'attentes, de placements. C'est brillant, habilement construit, presque abstrait. Puis les personnages se...

le 7 sept. 2016

51 j'aime

7

L'Inconnu du lac
pierreAfeu
9

Critique de L'Inconnu du lac par pierreAfeu

On mesure la richesse d'un film à sa manière de vivre en nous et d'y créer des résonances. D'apparence limpide, évident et simple comme la nature qui l'abrite, L'inconnu du lac se révèle beaucoup...

le 5 juin 2013

51 j'aime

16

La Crème de la crème
pierreAfeu
1

La gerbe de la gerbe

Le malaise est là dès les premières séquences. Et ce n'est pas parce que tous les personnages sont des connards. Ça, on le savait à l'avance. Des films sur des connards, on en a vus, des moyens, des...

le 14 avr. 2014

41 j'aime

21