The Grand Budapest Hotel porte incontestablement les gênes du cinéma de Wes Anderson. Mais s’il a pu parfois se perdre un peu en privilégiant le style à l’histoire (le minion mais assez oubliable Moonrise Kingdom), le réalisateur américain atteint ici un équilibre quasi parfait entre virtuosité esthétique et excellence narrative.
Le conte fantasque qu’il nous présente, cette aventure rythmée aux rebondissements réjouissants, se prête remarquablement bien à son univers chamarré et coloré. Multiplication de travellings ingénieux, voix off bien en place, jeu d’acteurs théâtral basé sur les cassures de tons et de rythme, le réalisateur pose très vite son empreinte si singulière sur le film. Enchaînant les plans alliant à la fois sophistication et beauté, Anderson nous plonge dans des décors d’une richesse graphique inouïe, avec un souci du détail impressionnant. On se trouve dans une sorte théâtre de marionnettes baroques dans lequel évoluent des personnages hauts en couleur et savoureusement croqués. Les tableaux se succèdent avec fluidité, s’appuyant également sur une écriture précise et élégante, souvent très drôle.
La réalisation inventive et bouillonnante d’Anderson nous emmène ailleurs, dans un pays imaginaire symbole d’une Europe lointaine. Le contraste entre l’hôtel défraichi marqué par la laideur des années 80 et le faste et la somptuosité de ses plus belles années, renforcé par le passage au format 4/3, est particulièrement réussi. Cette structure en flash back ajoute une profondeur inédite au propos du réalisateur. On sent poindre une certaine mélancolie, une nostalgie qui, si elle n’est jamais appuyée, apporte ce qu’il faut d’émotion, comme pour témoigner de la violence du temps qui passe.
L’histoire du Grand Budapest Hotel est teintée d’une poésie burlesque irrésistible personnifiée par son concierge Monsieur Gustave, gigolo classieux et raffiné au verbe exagérément poli et révérencieux. Le dandiesque Ralph Fiennes excelle dans le costume de Monsieur Gustave et est pour beaucoup dans la cohérence globale du film. Il est entouré d’un fascinant bestiaire d’acteurs tous aussi talentueux les uns que les autres qui s’amusent visiblement beaucoup à incarner ces personnages décalés.

Oui, The Grand Budapest Hotel est un total ravissement, Darling.
Thibault_du_Verne
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2014

Créée

le 29 nov. 2014

Critique lue 272 fois

Critique lue 272 fois

D'autres avis sur The Grand Budapest Hotel

The Grand Budapest Hotel
Sergent_Pepper
8

Le double fond de l’air est frais.

Lorsque Wes Anderson s’est essayé il y a quelques années à l’animation, cela semblait tout à fait légitime : avec un tel sens pictural, de la couleur et du réaménagement du réel, il ne pouvait que...

le 27 févr. 2014

232 j'aime

23

The Grand Budapest Hotel
Veather
9

Read My Mind #2 : The Grand Budapest Hotel

Ami lecteur, amie lectrice, bienvenue dans ce deuxième épisode de RMM (ouais, t'as vu, je le mets en initiales, comme si c'était évident, comme si c'était culte, alors qu'en vrai... Tout le monde...

le 8 sept. 2014

175 j'aime

51

The Grand Budapest Hotel
guyness
9

Anderson hotel

Comme tout réalisateur remarqué, Wes Anderson compte quatre catégories de spectateurs: les adorateurs transis, les ennemis irréductibles, les sympathisants bienveillants et, beaucoup plus nombreux,...

le 28 févr. 2014

157 j'aime

68

Du même critique

Ma Loute
Thibault_du_Verne
3

MA LOUTE – 6/20

Autant le dire d’emblée, Ma Loute m’est passé complétement au-dessus. Comédie burlesque, voir grotesque, empreinte d’une excentricité peu commune, le film de Bruno Dumont est si singulier qu’il ne...

le 23 mai 2016

42 j'aime

7

The Strangers
Thibault_du_Verne
4

THE STRANGERS – 8/20

Le mélange des genres est un exercice assez courant dans le cinéma sud-coréen (on se rappelle de l’ovni The Host de Joon-ho Bong), ce n’est pas ce qui étonne le plus à propos de The Strangers. On ne...

le 27 juil. 2016

38 j'aime

En attendant Bojangles
Thibault_du_Verne
6

Cinéma | EN ATTENDANT BOJANGLES – 13/20

Tombé sous le charme de cette fantasque histoire d’amour à la lecture du roman d’Olivier Bourdeaut, j’étais curieux de découvrir quelle adaptation Regis Roinsard allait en tirer, lui qui a prouvé...

le 22 janv. 2022

26 j'aime