David Lowery semble avoir trouvé la recette miracle pour réussir à tous les coups ses bande-annonce : réaliser un film qui n’est jamais rien d’autre que son propre matériel promotionnel. En voyant The Green Knight, on ne s’étonne pas que la communication d’A24 ait donné tant envie, tant chaque scène, chaque plan, chaque ligne de dialogue, sonne comme si l’on se trouvait dans un trailer de deux heures.
Certains se souviennent peut-être de cette séquence, dans Mad Max Fury Road, où les voitures traversent un marécage en pleine nuit et où d’étranges créatures à échasses se déplacent au premier plan. Moment fascinant où se dessine un univers plus large encore que celui du film, laissant toute la place à l’imaginaire du spectateur. The green knight n’est finalement que cela, une suite de scènes qui promettent un monde fantastique que Lowery ne fait qu’effleurer, juste histoire de proposer une série de plans magnifiques, avant de passer à la suite.
Prenons en exemple la scène des géants, scénaristiquement totalement inutile, mais visuellement éblouissante. Rarement aura-t-on vu quelque chose d’aussi impressionnant dans un film de ce genre, mais on en voyait tout autant dans la bande-annonce. Or, quand les images des géants apparaissent dans le trailer, on imagine des choses, on espère un moment grandiose, tout un arc narratif mémorable. Que nenni. Les géants ne seront rien d’autre que ce qu’ils étaient dans cette bande-annonce : des jolies images. On peut contredire cette affirmation en évoquant le court échange vocal à la suite duquel une géante tente d’attraper Dev Patel, mais où celui-ci se protège et recul, illustrant ainsi le propos total du long-métrage en trois plans.
Effectivement, s’il y a bien une chose que la bande-annonce ne nous racontait pas, c’était l’histoire de The green knight, ou plutôt, à défaut d’histoire, son propos. Il est ici question du ridicule d’un héros illusoire, qui poursuit une quête chimérique d’honneur afin de devenir chevalier, alors qu’il n’est en réalité qu’un pauvre type dénué de tout courage. Théoriquement, le sujet est passionnant, mais il est traité avec une inhumanité austère qui empêche la naissance de la moindre émotion. En fait, la seule scène qui incarne réellement ce qu’aurait dû être le film, c’est la confrontation finale avec Le Chevalier Vert, où Gauvain tremble, on entend son cœur battre, et où enfin, l’espace d’un instant, David Lowery s’intéresse aux sentiments de son protagoniste.
Le reste du long-métrage n’étant qu’une suite de tableaux (extrêmement réussis, ce serait malhonnête de dire le contraire), portés par une bande-son omniprésente (et sublime elle-aussi). A mi-chemin entre la cinématique de jeu vidéo et la bande-annonce de film, cette énorme machine à hype se révèle petit n’être que la promesse d’une œuvre qui n’existe pas. Le résultat est tape à l’œil, parfois ridicule tant il se prend au sérieux, souvent bête, parasité par une série de dialogues pompeux qui ne disent finalement jamais grand-chose.
Dans son précédent film, David Lowery avait réussi à trouver un équilibre entre son style très poseur et la beauté sincère de ce qui se passait à l’écran. Il y avait cent fois plus d’émotion dans le déguisement de fantôme de A ghost story que dans le regard perdu de Dev Patel. Parce qu’ici, ce ne sont plus les personnages qui sont intéressants, mais l’image, l’atmosphère, la beauté constante et excessive, jusqu’à ce qu’on n’en puisse plus.
Bien-sûr, les excellentes idées sont légion, sinon la promotion d’A24 n’aurait pas été aussi séduisante. C’est simplement qu’elles sont alignées sans communiquer entre elles, et qu’une fois que Lowery considère qu’il a épuisé tout le potentiel visuel d’une scène comme on essore une éponge, il passe à la suivante, sans se soucier de l’éventuel gâchis qu’il laisse derrière lui.
Finalement, c’est dommage, parce que j’aurais tellement voulu adorer le film. J’envie sincèrement ceux qui ont su passer outre le vide artistique pour profiter de cette technicité irréprochable. C’est inhumain, mais ça aurait pu être bouleversant.