Le Hobbit – celui de Peter Jackson – doit être une des plus grandes sorties de ces dernières années et quand on l’imagine, c’est avant tout à la musique et aux effets spéciaux promis par le Seigneur des Anneaux qu’on pense.
Point de tout cela dans ce court métrage animé de Gene Deitch. On a bien un vieux son de violon, un gémissement d’harmonium et quelques effets sonores, mais ils sont loin de nous offrir de grands airs. Ce sont des instruments que j’aime beaucoup, mais ils ont ici un côté un peu criard assez désagréable. Pourtant, d’une certaine manière, c’est un son qui va bien avec l’image. Quelque chose de trop complexe aurait enlevé à la simplicité d’apparence du dessin, un dessin qui m’évoque les livres d’enfants qui sentent bon le papier vieilli, avec leurs traits blancs ou noirs énormes entre lesquels chatoient des couleurs magnifiques. Ces livres que nos grands-parents se faisaient lire quand ils étaient petits et qu’on retrouve dans nos bibliothèques quand on a tellement fureté que la poussière nous fait éternuer.
C’est une image qui va très bien avec l’idée de conte. Elle rend terribles les loups, remarquables les princesses et oniriques les châteaux. D’ailleurs, si un jour j’habite quelque part, ce sera dans un vieux dessin de ce genre.
Mais parlant de princesses, depuis quand Biblo accepte-il de suivre Thorin et Gandalf à la recherche du dragon pour les beaux yeux d’une fille qu’il épouse à la fin ?
Enfin, je n’en veux pas trop à l’adaptation. Adapter est nécessaire pour passer d’un support à l’autre – et attention, je ne parle pas forcément de transformer un livre en film, la réécriture est aussi une adaptation, et pourtant, on n’en a jamais voulu à Anouilh parce qu’il avait inséré des voitures dans son Antigone. Donc l’adaptation est légitime, à mon sens, quoi qu’étonnante : il s’agit ici d’insérer dans le conte de Tolkien des éléments typiques des contes européens tels que, donc, la princesse. L’idée est assez bonne, il faut le reconnaître, c’est comme insérer cette mythologie dans celle qui la précède : ça lui donne de l’existence.
Cela dit, qu’on ne se méprenne pas : la moitié gauche de mon cerveau crie au sacrilège malgré les hochements de tête de la moitié droite.
Pourtant, quelle que soit ma fidélité envers l’œuvre originale, elle ne m’empêche pas d’apprécier celle-ci. Si l’animation est très limitée, la narration compense largement. Thorin m’a presqu’autant choquée qu’étonnée, mais les trolls, bon dieu, les trolls ! ils le rattrapent sans problème.