Le quotidien était jusqu’ici paisible, banal, sans surprises. Au bord de l’eau, on apprécie un moment de détente entre amis ou en famille. Et puis, soudain, l’horreur. Surgie de nulle part, monstrueuse, la créature sème la terreur.
Bong Joon-ho est un cinéaste qui aime explorer les genres et varier les registres. Celui qui avait donné un nouveau souffle au polar coréen avec Memories of Murder change ici radicalement de style en s’essayant au registre fantastique. Loin de l’intrigue poussiéreuse de son polar, le cinéaste coréen donne naissance à une créature monstrueuse qui terrorise le peuple. Si le virage est saisissant, ses sont restées les mêmes. En effet, la préoccupation du réalisateur vis-à-vis de la manière dont le pays est géré et l’état de sa société demeurent au cœur des enjeux de The Host.
Fruit de négligences volontaires, la créature est le symbole du poids de l’Homme sur son environnement, de ses effets néfastes, allant jusqu’à mener à sa propre destruction. La créature dévore littéralement les Hommes, représentant d’une certaine manière l’image du danger que l’Homme représente pour lui-même. En soi, le sort de la créature n’est pas vraiment le soucis principal du métrage ou du spectateur. Elle agit comme un catalyseur de l’intrigue et comme le support des différents discours portés par le film. En effet, The Host invoque le fantastique et le monstrueux pour rappeler les valeurs familiales, critiquer l’ingérence des institutions coréennes et l’interventionnisme américain.
Car ce n’est pas parce que la manière de raconter est fantastique et basée sur de l’imaginaire, que les thématiques du film le sont aussi. Il y a, dans The Host, des éléments que l’on a régulièrement tendance à retrouver dans les films coréens modernes, comme cette paranoïa ambiante, et cette image toujours négative des institutions coréennes. Une nouvelle fois, c’est en jouant sur les couleurs et l’atmosphère générale que le cinéaste fait émerger ces pensées chez le spectateur, en débutant son film sous un soleil agréable et une lumière chaleureuse, pour le faire se poursuivre dans une grisaille permanente et dans le béton et le fer. Il y a, toujours, ce côté désespéré, avec ces variations de ton, entre l’horrifique, le grotesque et le thriller, qui permettent de caractériser les différentes composantes du scénario.
The Host est un film judicieux et intelligent. L’exercice de style pouvait être périlleux à bien des égards, comme en témoigne cette créature en images de synthèse parfois ostensiblement factice. Mais tiendrons-nous réellement rigueur aux équipes du film pour cela ? Ça ne serait pas très pertinent. Le pari du cinéaste est ici relevé, avec une belle capacité à s’approprier un genre souvent associé aux films de série B (si pas pire), pour s’exprimer sur des thématiques importantes à ses yeux, et véhiculer des messages forts. Aidé par un casting au rendez-vous, notamment un de ses acteurs fétiches, Song Kang-ho, The Host est une histoire humaine et sur l’humanité, très bien réalisée, offrant un regard intelligent et original sur la société coréenne et sur notre monde.