Et moi qui rigolait avec le jeu des acteurs Asiatiques...
Voilà une bonne grosse surprise. Un film de monstres... Mouais... Mais si, c'est bien, c'est Coréen ! Oula ! Je sais pas si... Mais si, regardes-le.
Bon.
Et pourtant.
Moi et mes a prioris à la mord-moi le noeud. Je reconnais que j'en ai pris pour mon grade. Bong Joon-Ho a du génie, c'est incontestable. Il sait parfaitement jongler avec les codes du genre fantastique, avec les particularités locales de tournage et enfin, avec un humour potache et bien dosé.
Le film commence et se termine comme une farce. Des produits chimiques versés dans un fleuve par un médecin quelconque, celui-là même qui criera à l'épidémie par la suite, vont se faire le berceau d'une monstre déchaîné. La fin, très à propos à l'heure de la collusion des média avec le pouvoir, donne une chute intelligente et piquante, surtout vu le contexte avec la fermeture idéologique de la Corée du Nord.
On trouve de nombreux thèmes traités avec une finesse et un sens du burlesque surprenant pour quelqu'un qui ne connaissait pas le réalisateur.
Dès les premiers instants, on découvre des personnages principaux campés avec exubérance par des acteurs tout aussi foufous, mais très professionnels. Toute l'exagération du jeu d'acteur maintes fois reproché par les spectateurs occidentaux, dont je fais partie, trouve ici un sens et une résonance.
Bong Joon-Ho donne à son film une dimension comique aussi bien inattendue que décalée, avec comme pierre angulaire cette interprétation Asiatique si particulière à nos yeux. Et d'autant plus que ça sonne incroyablement juste dans le sujet abordé.
Juste parce que quelque part, ça me colle le nez sur mes préjugés concernant certains comportements asiatiques, que je ne comprends pas forcément. Préférant les écarter d'un geste condescendant, j'ai sans doute manqué quelque chose. C'est déjà une claque en soi.
Mais c'est également juste parce que ça colle contre toute attente avec le film. Un film franchement léger par rapport à la qualité de réalisation ou par rapport au thème abordé. Le réalisateur m'a montré que oui, un film fantastique pouvait être aussi sérieux, réussi et subversif que poilant.
Et vous, c'était quand la dernière fois ? District 9 ? Et avant ? Rien ?
Les acteurs appuient fortement leur jeu dans les situations à forte tension, mais la photographie et la manière de filmer du réalisateur sera presque toujours en décalage. On aura donc un effet croustillant d'humour noir et de causticité, mais qui demandera en revanche un peu de culture et d'ouverture d'esprit pour être apprécié.
Voir une famille se rouler par terre pour faire son deuil n'est pas vraiment répandu dans nos contrées. Pourtant elle correspond à une idée que je m'étais faite sur la capacité d'exagération d'un peuple aux moeurs plus compliquées qu'il n'y paraît. Me remettre devant mon préjugé m'a fait du bien, surtout avec le côté subversif sous-jacent.
Joli coup d'oeil.
J'ai également apprécié les dialogues, toujours dans le ton du film, décalés et savoureusement mis en valeur par l'oeil d réalisateur.
Et puis on peut parler de la galerie de personnages. Bien que stéréotypés, ils interagissent comme une mécanique bien huilée et toujours efficace dans la narration.
Une narration par ailleurs toujours précise et cohérente, totalement accessible pour un occidental, pleine d'humour et parfaitement réussie dans cet exercice de style de haute-voltige.
On apercevra donc au travers du fameux médecin manipulateur ou de l'oeil froid et distant des médias un mélange complexe de fascination et de dégoût pour le géant Américain, directement issu des stigmates d'une Guerre Froide ou de la seconde Guerre Mondiale.
J'ai retrouvé un peu de cette fascination bizarre que j'avais découverte dans la superbe nouvelle de Nosaka Akiyuki, "Les Algues d'Amérique", présente en marge du récit "La Tombe des lucioles". L'auteur Japonais y décrivait les difficultés de la cohabitation entre des peuples que tout oppose, de la langue à la culture, en passant bien évidemment par la reddition du Japon. Annoncée par la voix de l'empereur et ressentie comme une véritable trahison pour le petit peuple, durement touché par l'horreur des bombes incendiaires et finalement des bombes atomiques, elle fut le point de départ d'une mixité subie et difficile. D'autant plus qu'elle fut annoncée dans une langue littéraire, que peu de gens était à même de comprendre, ce qui a également prêté à confusion.
Je pense donc qu'avec la présence des Américains en Corée pendant cette longue période, on peut faire un certain rapprochement, les cultures Japonaises et Coréennes étant en de nombreux points semblables et la période historique traversée étant identique.
On peut aussi voir une critique aigre-douce de la société Coréenne, qui se positionne doucement sur l'échiquier de l'économie mondiale.
Mais avant tout, je trouve que Bong Joon-Ho nous introduit dans la culture complexe d'une société en pleine mutation avec intelligence et humour.
Le rythme particulier, l'ambiance génialement subversive et le rythme particulier du film va vous surprendre comme un bon coup de pied au cul. Et dans le bon sens du terme si vous avez l'esprit large et le fesses rembourrées.
Car l'air de rien "The Host" pose les bases d'une véritable réflexion sur notre capacité à détruire notre environnement, le contrôle des médias ou sur les problèmes d'une société contemporaine au sens large.
Je conclurais donc en disant que The Host m'a permis de découvrir un réalisateur multi carte, talentueux et piquant, qui sait parfaitement rendre saillants les contrastes parfois subtils, d'une société Coréenne pétries par sa culture rigide, sa situation géopolitique et ses relations avec l'occident. Mais aussi un film brillant et vraiment bien gaulé.