Rien à dire : c'est du beau cinéma, James Gray restant un réalisateur hors-pair, soutenu par la photo envoûtante et irradiante du grand Darius Khondji, donnant au film une atmosphère étrange, entre drame social et opéra quasi-flamboyant. Cette impression est confirmée par la musique, mais surtout ce récit subtil, parfois dérangeant, où l'on évite toute caricature pour nous offrir des personnages troublés, perdus, dont se distingue toutefois nettement Bruno Weiss, intensément interprété par Joaquin Phoenix.
La relation qu'il entretient avec Ewa (Marion Cotillard, impeccable) a ainsi quelque chose de sale et pourtant de touchante tant elle évolue au fil des minutes, où l'apparition d'un troisième protagoniste n'est en définitive presque qu'un révélateur des sentiments du premier pour la seconde, sans pour autant passer de « salaud » à « héros ». Reste ce petit regret déjà constaté chez Gray : le cinéaste a beau être d'une intelligence et d'une subtilité hors-pair, à force de vouloir éviter tous les carcans du cinéma hollywoodien, celui-ci finit par étouffer légèrement l'émotion qui aurait dû nous emporter, l'œuvre restant un peu froide. Ne soyons toutefois pas trop sévères avec cette « Immigrant », évoquant avec autant d'élégance le cinéma muet que des sentiments régulièrement universels : une réussite.