The Intruder
7.5
The Intruder

Film de Roger Corman (1962)

Cette brève critique se veut un hommage, inévitable de ma part, à Roger Corman. Son enthousiasme pour filmer les sujets les plus improbables, son côté touche à tout, son absence de prétention et son indifférence aux critiques de l'establishment sont à mon avis les raisons de son exceptionnelle longévité. Mais J'ai choisi pour cet hommage son film le plus personnel, et le plus courageux pour son époque.


Un homme en complet blanc arrive dans une petite ville du Sud des Etats-Unis. Tel Zorro passé à la blanchisserie, il corrige ceux qui profèrent des propos hostiles à la communauté noire pour que l'on croit qu'il est dans le camp du « bien », alors qu'il est seulement narcissique. Il écrase de sa supériorité intellectuelle les habitants du coin et on apprend qu'Adam Cramer, c'est son nom, est envoyé par le gouvernement pour l'application des réformes visant l'intégration des noirs dans les écoles du Sud. William Shatner, l'intrépide capitaine Kirk de la série Star Trek, le héros de mon adolescence, a été judicieusement choisi pour son charisme. Et la suite devient drôle bien qu'inquiétante quand Adam Cramer enlève son masque de réformiste et se révèle au cours d'un meeting comme le pire des manipulateurs politiques, poussant à la haine raciale, excitant la communauté blanche et allant jusqu'à tendre un piège à un jeune homme noir pour le faire condamner à la pendaison.

Mais ce qui est tout aussi étonnant c'est les conditions du tournage : les figurants de la communauté blanche se montreront enthousiastes à l'écoute des propos racistes d'Adam Cramer, alors que ceux de la communauté noire auront des regards hostiles, personne ne connaissant le thème du film : la dénonciation de la ségrégation. La fin du tournage a dû être vite expédiée et édulcorée pour des raisons évidentes de sécurité lorsque des indiscrétions ont fini par filtrer. De là viennent probablement certaines incohérences comme cette balançoire incongrue ou le revirement final plutôt inattendu de la foule.

La distribution de The Intruder fut paraît-il compliquée par diverses censures et reniements, le Civil Rights Act ne datant que de 1964, deux ans après la sortie du film, et le film fut un échec commercial, un des rares échecs de Roger Corman, voire le seul. Dans son livre « Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime » (!) il n'y a pas de trace de ce film. Pas étonnant donc qu'il n'y ait pas eu d'autres films dans cette veine personnelle. Pas trop de regrets pour ma part, il vaut mieux être « le maître des films de série B », on dirait aujourd'hui les films de genre ou les films conceptuels, plutôt qu'un tâcheron lourdingue et démago des grosses productions de série A.

Créée

le 20 mai 2024

Critique lue 10 fois

2 j'aime

Zolo31

Écrit par

Critique lue 10 fois

2

D'autres avis sur The Intruder

The Intruder
socrate
9

De la difficulté de mettre fin à la ségrégation

Voilà un chef-d'œuvre assez méconnu de Roger Corman, qui le considérait pourtant comme un de ses préférés. Un film politique fortement engagé à une époque où la défense des droits civiques aux...

le 17 nov. 2011

37 j'aime

11

The Intruder
Morrinson
8

« A mob doesn't think, it hasn't time to think. »

Un film sorti trois ans avant les marches de Selma (et donc 50 ans avant le déchet d'Ava DuVernay), sidérant dans son approche, rappelant de manière anachronique l'histoire de James Meredith, le...

le 3 janv. 2016

23 j'aime

14

The Intruder
Boubakar
8

Flatter pour tuer.

Dans ses interviews, Roger Corman revient fréquemment sur ce film, le seul qui lui a fait perdre de l'argent, mais c'est c'est aussi celui dont il est le plus fier. Il a raison, car non seulement,...

le 16 mars 2019

12 j'aime

1

Du même critique

La Vie scolaire
Zolo31
7

Wesh Moussa, j’te connais, mec de mon bâtiment !

J’ai bien failli faire l’impasse sur ce film mais nous étions le 31 août et il me restait deux tickets de cinéma à utiliser dernier délai, donc retour vers l’enfer du 9-3, bien planqué cette fois-ci...

le 1 sept. 2019

34 j'aime

10

Thalasso
Zolo31
7

Extension du domaine de la lutte par l'utilisation combinée des bienfaits du milieu marin

Le cinéma français aurait-il trouvé un nouveau souffle grâce à l'absurde ? En même temps que sort Perdrix du prometteur Erwan Le Duc paraît donc le nouvel opus de Guillaume Nicloux, Thalasso. Le...

le 21 août 2019

28 j'aime

10

Julieta
Zolo31
5

Homéopathie? Pauv' Julieta!*

Similarité, identité, conformité et similitude. Le dernier opus d'Almodovar respecte ces principes. Principe de similarité Julieta est un film sur les rapports mère - fille, comme tous les films...

le 1 juin 2016

28 j'aime

1