Les retrouvailles de Martin Scorsese avec Robert de Niro, qu'il n'avait pas dirigé depuis Casino, avec Joe Pesci, qu'il n'avait pas dirigé depuis... ben depuis Casino aussi, et avec Al Pacino, qu'il n'avait pas dirigé depuis... jamais, en fait. Ouais, c'est choquant de se dire cela, mais ces deux-là ne s'étaient jamais croisés cinématographiquement auparavant ; mieux vaut tard que jamais.
Si la réunion de ces quatre géants ne vous donne sérieusement pas envie de vous jeter sur ce film, je ne peux vraiment rien pour vous. En tous les cas, merci Netflix, puisque cela ne suffisait visiblement pas pour les studios de cinéma traditionnels.
Pour entrer dans le cœur du sujet, oubliez les couleurs éclatantes, l'énergie frénétique des Affranchis et de Casino. Le vert-de-gris a remplacé le visuel rutilant. Le sang est toujours là, mais c'est la vieillesse qui est la plus mortelle. Eh oui, on peut avoir évolué dans un milieu où l'espérance de vie est très limitée et pourtant finir dans un hospice, croulant et solitaire sur un fauteuil roulant à se remémorer des souvenirs.
Par contre, je suis un peu mitigé sur le rajeunissement numérique. En toute franchise, Robert De Niro, du fait de sa démarche et de sa gestuelle, ne parvient jamais à cacher son véritable âge. C'est pour cela que j'ai eu un peu mal à croire au flash-back pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment. Même chose, Joe Pesci apparaît physiquement comme un vieillard de bout en bout (ce qui n'empêche nullement que le talent le fait oublier, mais je vais y revenir plus tard !).
Mais bon, c'est tout de même du Scorsese et du très bon...
C'est une œuvre crépusculaire, qui a des allures de film testamentaire (attention, je dis que cela a les apparences de ce qui serait un chant du cygne parfait, mais Marty, reste avec nous aussi longtemps que tu le veux et fais-nous encore plein d'autres films !). Bref, c'est un film d'un vieux avec des vieux...
Mais si la flamboyance fait volontairement acte d'absence, parce qu'elle n'est plus (ce qui sert admirablement le film, je précise bien ici que c'est le propos même du film ; c'est une qualité, pas le moins du monde un défaut !), malgré quelques petites longueurs dans la partie centrale de l'ensemble, les trois heures et demie sont globalement très bien rythmées. La narration en puzzle ne perd jamais le spectateur.
En résumé, c'est peut-être le film d'un vieux avec des vieux, mais le talent est toujours là, plus que jamais. Point de vue distribution, celui qui m'a le plus impressionné, c'est sans conteste Joe Pesci. Cet acteur, trop peu présent sur les plateaux de cinéma, interprète à la perfection une figure calme, posée, bienveillante, voire paternelle pour le protagoniste. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas aussi redoutable (au contraire !). Aux antipodes de ses interprétations dans Les Affranchis et Casino et pourtant, il est magistral de bout en bout.
J'ai bien aimé aussi Robert De Niro. Comment il peut en être autrement ? Particulièrement, les séquences où il marche sur trois pattes, seuls et abandonnés de tous, lui restant que son sombre passé, préparant son prochain départ. Il est difficile de ne pas ressentir de la pitié pour lui quand il est dans la banque (même si chacun des personnages a des motifs compréhensibles d'agir ainsi !). Et Al Pacino, en Jimmy Hoffa, qui croit en la force de l'amitié. Dur de ne pas éprouver, pour lui aussi, de la peine.
Qu'est-ce qu'on les adore ces légendes, devant, derrière la caméra ! On n'en reverra plus des comme ça, car ils sont trop uniques et géniaux.