The killer a de quoi dérouter par sa froideur déconcertante mais séduit grandement justement par sa maitrise du langage cinématographique : le montage est ciselé, les raccords parfaits, le rythme effréné, le scénario implicite mais limpide, la mise en scène à tomber par terre - on a une séquence de combat qui doit être la meilleure de la décennie tant on ressent la puissance des coups et l’intensité qui s’en dégage. C’est un film cérébral, méticuleux, d’une précision chirurgicale et débordant de détails qu’il est abominable de se dire que jamais on ne pourra revoir en France ce film sur grand écran. Il y a une telle maîtrise, et ce dès le générique d’introduction - un des meilleurs de ces dernières années - sur le sound design, c’est hallucinant pour les oreilles et un pur bonheur de cinéphile. La plupart des dialogues se passent dans la tête du tueur, des réflexions, souvent philosophiques, sur ce qu’est un meurtre et ce qu’il signifie en tant que tel mais aussi pour celui qui le commet. Lui n’est « qu’un » tueur, il n’y a rien de personnel, il ne sert que les intérêts de ses employeurs. Il n’a même pas de nom, c’est presque un travail (pas) comme les autres, puis, derrière sa palette de tueur parfait se cache de nombreuses failles qui se manifestent notamment par des hésitations, d’où le fait qu’il se répète inlassablement le même mantra pour ne pas flancher, il se rassure lui-même ; ça se manifeste également par la musique qu’il écoute, métaphore des pensées incontrôlables qui l’assaillissent (otherthinker) mais aussi par la montre qui indique son battement cardiaque : il n’est pas si insensible que ça - il le devient lorsque les choses deviennent sérieuses et qu’il se déshumanise totalement, ce qui se caractérise quand il enlève sa montre. Musicalement c’est monstrueux, la musique d’Atticus Ross et Trent Reznor est encore une fois d’une perfection à tomber, chaque morceau est viscéral et rend le film unique et malsain. La seule remarque que l’on pourrait adresser est qu’il manque de contrariétés au cours du film, même s’il s’ouvre avec d’énormes problèmes, mais le tout est presque cousu de fil blanc. Une fois lancé dans cette vengeance, rien ne l’arrête, si ce n’est son esprit - et c’est pour ça que ce n’est même pas un défaut car on comprend où Fincher veut en venir, dans un film psychologique jusqu’à la moelle. C’est typiquement le genre de films qu’on retient, notamment lorsque l’expérience vécue au cinéma est d’un tel niveau, et quel dommage qu’il ne bénéficie pas d’une exploitation sur grand écran, il est nécessaire de voir ce genre de film nécessitant une projection digne de ce nom.