Plus regardable que ce que le teaser annonçait mais

Pour situer le contexte, je suis un grand fan de John Woo de la grande époque HARD BOILED, BETTER TOMORROW & THE KILLER. Quand un remake était annoncée avec Omar Sy, j'étais plus que sceptique. Oui imaginer Sy remplacer Chow Yun Fat, c'est de l'ordre de l'inimaginable, un sacrilège ! Non pas qu'Omar Sy soit mauvais mais il n'a clairement pas la charisme d'un grand acteur qui claque à travers chaque plan.

Quand j'ai vu la bande annonce pour la première fois, j'ai failli avoir un arrêt cardiaque. The KILLER est une nana jouée par Nathalie Emmanuelle (wtf) et le flic est joué par Sy. Je ne retrouvais pas du tout l'ambiance du film de 1989 : épique, grandiose, tragique. La version 2024 paraissait lisse, laide et plate. Aucune élégance dans le cadrage, aucune alchimie entre les protagonistes. Et c'est quoi cette tueuse gringalette ?

Toutes les critiques que j'ai pu voir et lire étaient unanimes sur la médiocrité du dernier film de John Woo. Et il est vrai que ce monsieur tente de faire un come back sans jamais y réussir. Son Silent Night de 2022 est une preuve de plus qu'il n'arrive pas à proposer du neuf. Woo parle essentiellement d'histoire d'hommes, de leurs souffrances et de leurs sacrifices pour sauver ceux qu'ils aiment et trouver la rédemption. Si ce schéma trouve son public en Asie, ça sonne niais en Occident. Même un blockbuster comme Mission Impossible 2 n'échappe pas à la niaiserie de Woo et sa mise en scène qui frôle le "too much pour être vrai".

Avec un à priori très négatif, je décide quand même de me faire une idée en regardant THE KILLER 2024. Ce qui m'a agréablement surpris, c'est que le film essaie de développer un scénario et des personnages très différent du matériel original. Zee ne joue pas Dumbo et Sey ne joue pas Mickey pour ceux qui ont la réf. Leur relation est différente aussi, sans jamais égaler le duo Fat/Lee, on suit sans déplaisir la première partie du film. Le ton global est plus léger, moins culpabilisant, moins anxiogène aussi. La version 1989 était palpitante, on frémissait pour nos héros qui étaient attaqués de tous les côtés, par une armée de tueurs sans merci. Ici c'est plus light, il y a beaucoup moins d'actions. On sent que c'est fait pour le public streaming. Une fois que l'on accepte ce changement de tonalité, ce KILLER 2024 n'est pas aussi mauvais qu'annoncé.

Nathalie Emmanuelle que j'ai déjà vu ailleurs mais qui ne m'a jamais marqué, joue plutôt bien son rôle. Omar Sy joue Omar Sy avec des mimiques et un jeu très français. D'ailleurs on voit de suite la différence d'acting entre un français et un américain ou anglais. Les français ne savent pas jouer autrement que ce qu'ils ont appris dans les sitcoms ou les pièces de théâtres. Coucou Eric Cantona dont le jeu est mdr !

La deuxième partie du film est plus problématique. Une fois les enjeux énoncés, les protagonistes tournent en rond entre la fille à tuer/à sauver, la drogue à retrouver, le film s'embourbe dans un blabla où les antagonistes se dévoilent et ils sont mal écrits. On ne comprend pas toujours ce qu'ils veulent. Sam Worthington n'a jamais été aussi sous exploité. La femme aveuglée accidentellement, jouée par l'excellente Sally Yeh, était une pièce maîtresse dans THE KILLER 1989. Ici elle ne sert à rien. Son rôle est aussi réduit que le poisson rouge dans un bocal. Côté look et vestimentaire, c'est un gros gros problème dans ce film. La tueuse a une coupe tout droit sortie d'une pub Yoplait des années 90. Son parka et son look est clairement inspiré de Christophe Lambert dans Highlander. Le look d'Omar Sy n'est pas en reste. On a l'impression de voir un film français des 90s. Cet esthétique contribue à rendre le film très laid.

Côté action, c'est la douche froide. Fini les gunfights vertigineux mise en scène par un virtuose de l'espace temps. En 2024 il y a restriction budgétaire. Au lieu d'avoir des centaines d'hommes attaquant trois personnes coincées dans une église, on a droit à une quinzaine d'hommes interchangeables qui attaque chacun à son tour. C'est filmé et monté comme un téléfilm mais n'oublions pas que c'est produit par Peacock, une plateforme de streaming. Ce film aurait dû s'appeler autrement que THE KILLER pour ne pas subir une comparaison à son désavantage. En vérité, ils auraient même pu garder une trame équivalente sans piocher, ni même faire référence à ce film culte qu'est THE KILLER de 1989.

Au final on retrouve tous les ingrédients du film de John Woo (Colombes, balles illimitées, flingues pointées face à face, héros vs méchants dos à dos, des méchants motards habillés en noir, des explosions, des sauts et glissades au ralentis...) mais le réalisateur ne sait pas parler au public de 2024, contrairement à un James Cameron qui sait exactement comment communiquer avec son public tout âge confondu.