The King of Pigs par agnessalson
The King of Pigs est le premier long-métrage du coréen Yeun Sang-ho, jeune diplômé de peinture. Ecran vert, écran noir, écran vert, écran noir. Plongée glaçante dans l’univers de deux jeunes trentenaires qui se revoient pour la première depuis qu’ils ont quitté le collège. Kyung-min, PDG ruiné et couvert de dettes, tue sa femme dans un élan de colère. Il décide alors de contacter son vieil ami d’enfance, Jong-Suk, écrivain frustré. Une tension sociale émerge dès les premières minutes : Jong-Suk rencontre son éditeur qui refuse de publier son ouvrage. Ce dernier ajoute qu’il est trop pauvre pour être cultivé et par là même pour réussir dans l’écriture. Cette même société hiérarchisée et absolument arbitraire va apparaître dans les souvenirs d’adolescence des deux garçons. L’unité de lieu (l’école) n’est pas seulement partie intégrante des souvenirs, mais c’est est aussi et surtout une métaphore de notre société de classes. L’école que l’on appelle souvent « école de la vie » semble être le lieu de tous les apprentissages, là où l’on apprend à « devenir quelqu’un ». Ce film dénonce les travers de la société coréenne, la lutte vaine des opprimés, la domination d’une poignée sur la masse, la corruption, le besoin obsessionnel de devenir quelqu’un et par la-même, la volonté d’intégration à tout prix.
Dans ce collège, se déroule sous nos yeux une véritable lutte des « classes » ! Les « porcs » sont ceux qui pensent qu’en s’engraissant ils trouveront la voix du bonheur. Le regard vide, ils vivent sous la domination des « chiens » qu’ils servent. Ceux qui usent de la violence physique et morale pour humilier leurs camarades sont les plus populaires dans l’enceinte de cette école. Les jeunes protagonistes font face à de nombreuses épreuves afin de parvenir à s’intégrer. Ils tentent de s’habiller et d’agir comme les autres mais se rendent compte qu’à trop vouloir ressembler à leurs tyrans, ils n’en deviennent que plus dépendants. Jusqu’au jour où... Chul, un camarade de classe, prend leur défense. Combattre la violence par la violence, le mal par le mal. Toutes leurs luttes se voient vaines. Chul décide alors d’aller encore plus loin et de devenir un monstre, le roi des porcs, et ainsi de résister à la persécution. Un cercle vicieux s’installe alors dans l’enceinte de ce collège où la violence n’engendre que plus de violence.
Ce film s’inscrit dans la lignée des films d’animations coréens. La violence est exacerbée par le trait radical du dessin. Un film troublant qui semble déranger par sa radicalité mais qui dénonce avant tout un système gangrené où les valeurs prônées sont la toute puissance, l’argent et la possession, et enfin la superficialité des apparences. L’émotion et la violence dont ce film est empreint ne sont ici présentes que pour alimenter cette fable sur les luttes sociales. Le scénario est bien ficelé malgré de nombreux allers-retours entre la rencontre dans le présent et les souvenirs. Malheureusement, la forme du film tend à le desservir tant son propos est puissant et sa forme contrainte et glacée. La recherche de soutiens pour ce film a été difficile : il a finalement été réalisé avec un très faible budget (moins de 100 000 euros). Radical et sans concession, le réalisateur travaille actuellement sur un nouveau projet The Fake qui traitera de l’artificialité des religions. À suivre de très près…