The King of Pigs
6.7
The King of Pigs

Long-métrage d'animation de Yeon Sang-Ho (2011)

돼지의 왕 / The King of Pigs (Yeon Sang-ho, Corée du Sud, 2011, 1h37)

Suite à la débâcle de sa start-up, par un geste de désespoir incontrôlé, Kyung-min tue sa femme. Puis il se met en tête de retrouver l’un de ses anciens camarades de classe, Jong-suk, un écrivain raté, qu’il n’a pas vu depuis 15 ans. Les deux hommes se rencontrent alors et échangent sur ce qu’ils sont devenus, sur les désillusions qu’ils ont connu depuis leur accès à l’âge adulte, et les joies de se construire une carrière.


Rapidement leur discussion est agrémentée de souvenirs de quand ils étaient à l’école. Débute alors une longue série de flashbacks retraçant leur expérience. Il se trouvaient dans un établissement dirigé de manière très autoritaire par une caste d’élèves, véritables hommes politiques, faisant régner la terreur. Chaque individu étant classé par sa situation sociale, ses notes, mais aussi son charisme.


Kyung-min et Jong-suk se trouvaient au plus bas de l’échelle, dans la catégorie dite des ‘’cochons’’ (d’où la traduction de ‘’Dwae-ji-ui wang’’ en ‘’Roi des Cochons’’). Ils étaient régulièrement harcelés et humiliés, sans possibilité de s’en sortir face aux ‘’Chiens’’, ces élèves ‘’supérieurs’’ ayant une fâcheuse tendance à passer leurs nerfs sur eux. Jusqu’au jour où un élève se dresse face à la tyrannie, Kim Chul, bien décidé à ne plus se laisser faire. Devenant ainsi le ‘’Roi des Cochons’’.


Ce premier long métrage d’animation de Yeon Sang-ho est une œuvre modeste, estimée à 150 000 $, qui parvient à capter admirablement bien l’un des malaises de la société coréenne, qui est l’inégalité. En effet, si la péninsule du Matin Calme est l’un des pays les plus développés du monde, il n’est pas exempt d’une certaine misère, face cachée du miracle économique.


Par le microcosme d’une salle de classe, et du point de vues de deux adultes sur le temps passé, le cinéaste concocte une petite satire sociale, sans prendre pas de baguette, par l’expression d’une violence crue, parfois rêche, des plus révoltante. Les ‘’Cochons’’ étant soumis à l’impitoyable diktat des conditions sociales, il est impossible de rester de marbre face à la manière dont ils sont malmenés.


Par une minutieuse construction des rapports humains, principalement ceux développées dans les flashbacks entre Kyun-min, Jong-suk et Chul, le métrage réussi à nous présenter le fait accompli d’une société rongée par la corruption, où pour s’élever il faut se renier afin d’adopter des gestes contre nature. Accepter l’humiliation la plus dégradante, dans l’espoir qu’un jour soit rendu possible un changement de caste.


Tout ceci est exprimés par une interprétation quotidienne de la violence. Claques dans la tronche face à l’indiscipline, coup de poing dans le gueule, ou encore tabassage à coups pour quiconque ose se rebeller face à l’ordre en place. Mais cela peut aussi sombrer dans l’humiliation la plus totale, comme lors d’une séquence où un malheureux ‘’Cochon’’ se fait asperger par une bassine d’urine remplie par un ‘’Chien’’.
‘’Dwae-ji-ui wang’’ est en soit une production assez perturbante. Son graphisme réaliste, avec un dessin en ligne claire qui épure le visuel de tout superflu, permet au réalisateur de concentrer son récit sur l’essentiel, à la fois par son animation et par son propos. La technique répondant dès lors de concert à la pratique. Ce qui fait du métrage une œuvre des plus intéressante.


Plutôt réussie ans l’ensemble ce premier long se révèle également particulièrement profond. Que ce soit dans l’étrange séquence d’ouverture, qui penche vers le cauchemar, où tout est glaçante, mais aussi par sa conclusion explosive. Aucunes demi-mesures n’est prises pour aborder des thématiques peu évidentes, portée par des personnages adolescents confrontés à l’impitoyable âpreté du quotidien.


La désillusion est ainsi un axe important du récit, et confère une atmosphère des plus déprimantes, renforcée par l’absence de traits humoristiques. C’est une œuvre sombre de bout en bout, au point d’en devenir irrespirable. À une séquence qui interpelle la colère, s’enchaine une séquence qui ne fait que la décupler. Le métrage cultivant l’anxyogénéité d’un malaise qui ne cesse de monter en pression.


Cela sert et dessert à la fois le film, car à trop miser sur le misérabilisme de ses situations il en oublie parfois d’humaniser ses personnages. Notamment ses trois protagonistes des flashbacks, et les deux adultes qui se retrouvent 15 après. Il est difficile de s’identifier à eux, car ils sont légèrement stéréotypés, et correspondent trop à des conventions préexistantes, utilisées un peu mécaniquement. Il manque à l’ensemble un naturel salvateur.


Cependant, ‘’Dwae-ji-ui wang’’ demeure un film d’animation des plus correct, picturalement beau, et plaisant à regarder. C’est du scénario que viennent les limites, puisqu’il aurait peut-être, ou sans doute, gagné à insuffler un peu plus d’humanité dans ses ‘’Cochons’’, mais aussi dans ses ‘’Chiens’’, également des archétypes de méchants, cruels de bout en bout.


Mais c’est là l’une des récurrences du cinéma de Yeon Sang-ho, qui pêche un peu dans l’écriture de personnages manquant de relief et d’authenticité. Ce qui est d’autant plus dommage ici, c’est que l’œuvre joue sur la nostalgie et l’amitié, mais l’affect entre les protagonistes est bien trop de froid. Un peu à l’image d’un métrage particulièrement sombre, ce qui n’empêche pas pourtant autant de rendre le propos principal des plus limpides. Exploitant des enjeux rendus possibles par un postulat de départ original.


-Stork._

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le 13 mai 2020

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