Après le succès monstrueux d'Easy Rider, symbole de la contre-culture américaine des années 60, et produit pour trois francs six sous, Universal a voulu récupérer Dennis Hopper, jusqu'à lui donner carte blanche pour son prochain, avec un million de dollars sur la table.
Ni une ni deux, Hopper est parti tourner au Pérou The last movie, qui est quelque part un décalque d'Easy Rider sur la fin du rêve américain, à travers le tournage d'un western réalisé par Samuel Fuller. Cependant, la violence des scènes sidère les habitants du la ville, qui vont jusqu'à la reproduire de façon réelle, persuadés que ce qu'ils sont vus est réel.
Ce que je dis n'est que la partie immergée de l'iceberg, car Dennis Hopper semble être allé très loin dans sa recherche formelle et narrative, comme s'il fut grisé par les splendides paysages péruviens.
De ce fait, le montage parfois éclaté fait que c'est parfois compliqué à suivre, et qui plus à mes yeux, l'ayant découvert en anglais sans sous-titres, mais mais il y là une recherche de liberté absolue, et quelque chose qui germait dans Easy Rider se trouve ici ; l'innocence bafouée.
Elle se manifeste à la fois par l'arrivée de la violence (à cause de l'équipe de tournage venu faire un film devant des gens qui n'ont jamais entendu parler de cinéma), du sexe (avec Dennis Hopper qui fait l'amour en plein air sous les yeux de jeunes catholiques), et de l'argent avec une recherche de l'or, qui irrigue en fond le récit.
J'aime cette façon dont le film joue de mes attentes, car on se croirait parfois dans le tournage d'un film sur un film, comme la fin d'une étape ou la recherche formelle est à son absolu, pour donner quelque chose au fond de vraiment stimulant, notamment vers la fin où il y a une accélération subite du montage ou deux scènes où l'on voit Dennis Hopper répéter une cascade, sous un air de Folk.
Si Dennis Hopper y est encore une fois monstrueux de charisme, il a emmené quelques-uns de ses potes sur le tournage, l'espace de quelques minutes, comme Dean Stockwell, Peter Fonda ou encore Kris Kristofferson, qui pousse la chansonnette. Mais il est vrai que Hopper est omniprésent à l'écran, ce qui nous vaut tout de même quelques séquences flirtant avec le ridicule, comme quand il court avec sa copine dans un champ de pissenlits comme deux gosses.
On voit bien qu'Hopper a voulu filmer sans arrêt, et ça se voit parfois ou la technique a l'air limite, mais László Kovács signe mine de rien une belle photo.
La réputation du film vient avant tout de ses difficultés de tournage, d'un Dennis Hopper constamment drogué et qui ne gérait plus rien, et de scènes filmées sans fin, quitte à ce que ça n'ait plus de rapport avec l'histoire à proprement parler. Le résultat consterna tellement Universal qu'il a été enterré très vite, et qu'il a donné les droits à son réalisateur, ce qui fait que le film est très difficile à voir, en dehors de quelques projections.
Cela dit, et malgré sa renommée extra-cinématographique, le film m'a vraiment captivé, d'une liberté rarement vue dans le cinéma américain mais que Dennis Hopper paiera très cher. C'est parfois déstabilisant à voir, mais le jeu en vaut la chandelle.