The Lighthouse est avant tout une expérimentation formelle et sensorielle, une ouverte risquée car peu accessible, qui tien plus de l’œuvre d’art que du long-métrage, et où l’ambiance et le travail de la matière et des sens prend plus de place que le scénario.


Robert Eggers déploie une esthétique très travaillée pour mettre en scène les mythes et légendes de marins. Il reprend les codes des films à l’ancienne, avec un format 4:3, une image noir et blanc granuleuse et une caméra aux lentilles accentuant les déformations. Ce choix augmente la transposition de son film dans un ailleurs fantasmagorique, renforcée par l’exacerbation des éléments sensoriels. Ainsi le bruit, que ce soit celui de la sirène du phare, des machinerie, des vagues ou du vent, est omniprésent et entêtant. De même, je parlais de la matière : le film, et surtout l'ouvrier du phare Robert Pattinson, nous font vraiment ressentir des impressions presque tactiles avec la mise en scène du charbon, de l'huile, de l'alcool, de l'eau (claire, de pluie ou de mer), du mazout... Les contrastes du noir et blanc accentuent également le travail des clairs-obscurs et de l’aveuglement, entre l’obscurité ambiante et la lumière du phare.


Enfin, pour parachever une atmosphère mythologique et fantasque, il y a les animaux et créatures peuplant le film, qui semblent tous vouloir entraîner les deux gardiens avec eux dans les abîmes de la folie et du cauchemar. Willem Dafoe habité et inquiétant comme jamais incarne le vieux loup de mer retors évoquant Neptune à tout va, chahute Robert Pattinson en homme torturé et halluciné. Le duo s’intègre parfaitement dans un film qui joue sans arrêt sur l’excès, le sublime, l’ambiguïté malsaine.


Finalement que retenir de The Lighthouse ? C’est un film audacieux, risqué, qui aime malmener ses spectateurs autant que ses personnages. Si l’expérience (je choisis ce mot volontairement plutôt que film) est fascinante, et que j’apprécie les réalisateur comme Eggers qui font un cinéma différent, The Lighthouse reste un poil expérimental pour marquer dans le temps. Je le vois plus comme une expérimentation sensorielle qui je l’espère fera naître d’autres films plus aboutis.

Créée

le 16 févr. 2020

Critique lue 107 fois

1 j'aime

3 commentaires

Alice Perron

Écrit par

Critique lue 107 fois

1
3

D'autres avis sur The Lighthouse

The Lighthouse
Sergent_Pepper
5

(ultra) Light my fire

Il se passe clairement quelque chose dans le cinéma de genre américain, et après une série de réussites réjouissantes (It Follows, Hérédité, The Witch), on est nombreux à attendre de voir se...

le 18 déc. 2019

140 j'aime

20

The Lighthouse
Grimault_
7

Sans soleil

L’affluence extraordinaire laissait déjà entendre à quel point The Lighthouse était attendu lors de ce Festival de Cannes. Sélectionné pour la Quinzaine des Réalisateurs, le film de Robert Eggers...

le 20 mai 2019

83 j'aime

10

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Du même critique

La Bonne Épouse
AlicePerron1
3

La bonne épouse rate son plat

La bonne épouse est pour moi un résultat vraiment décevant. La bande-annonce promet une comédie qui tire vers la satire, le sujet du film étant les écoles ménagères dans les années 60, juste avant...

le 10 juil. 2020

15 j'aime

1

Pluto
AlicePerron1
3

Pluto pas

Je ne connaissais pas le manga original, mais j'avais beaucoup apprécié Monster et 20th Century Boys, et la note de 8 à l'époque sur senscritique avait éveillé ma curiosité. Pluto nous plonge dans un...

le 4 déc. 2023

12 j'aime

7

Miss Détective
AlicePerron1
4

Miss consensuelle

Que ce film a vieilli alors qu’il date pourtant de 2000. Oui je l’ai vu à sa sortie, et j’avais ri, j’étais bien plus jeune. Je le revois aujourd’hui et c’est plutôt ennui et maladresses. J’essaie de...

le 4 oct. 2020

9 j'aime