Le pitch le plus barré de Cannes. Ou de l'année. Ou même de la décennie.
Et au service de celui-ci, un casting flamboyant. C'est dire si la chose est excitante.
Et The Lobster, prix du jury mérité à Cannes, ne déçoit pas nos attentes.
Car The Lobster est une originalité à lui tout seul. Rien, absolument rien n'est déjà vu. Et c'est là la marque la plus impressionnante du réalisateur grec Yórgos Lánthimos, qui est en tête de liste des réalisateur à surveiller au plus près. Avec un style on ne peut plus démarqué, un décalage permanent toujours teinté d'un peu de classe anglaise, The Lobster dévoile le talent incontrolable d'un auteur en marge, mais pourtant si à propos.
The Lobster ne sonne jamais faux. Son scénario déjanté est assumé jusqu'au bout. Et les acteurs, prestigieux, s'y livrent avec un talent mais un plaisir évident.
Colin Farrell en tête, bide en avant, corps bouffi, gestes mous, regard baveux. Mais une délicatesse, une naïveté éblouissante qui font de ce rôle transformiste, de cette mutation presque, l'une de ses plus belles performances.
Lunettes devant des yeux gros d'une insouciance presque enfantine mais qui se révélera plus tard déterminée, il se livre à ces autorités qui obligent tout célibataire à trouver l'âme sœur en 45 jours.
Ce qui frappe c'est le cynisme dans lequel baigne le film. Le voir au cinéma est une expérience ; celle de découvrir à qui parlera cet humour, on ne peut plus absurde, souvent tellement perché qui laisse place à de l'incertitude. Car lorsqu'on rigole on se demande et si on en a le droit, et si c'est le bon moment. Car ce que l'on voit n'est en fait pas si drôle ; société dystopique, mort de la relation inter-subjective, division de l'humanité en deux castes qui chacune répondent à l'autre par la violence.
Le constat est tragique, l'ambiance l'est tout autant. Les idées de réflexions fusent dans tous les sens (sur l'amour comme uniquement trait commun entre deux personnes ? sur la nécessité radicale de se placer dans une cas(t)e ?, ...)
En cela, s'il nous fait très souvent mourir de rire (franchement, on se bidonne comme un cochon à certains passage), le film nous laisse un goût amer dans la bouche.
La faute aussi peut-être à une dernière demie-heure qui se cherche et par la même occasion nous perd, trop longue face au déluge d'invention du début. Cela gâche un peu l'ensemble.
Mais propose un tournant véritable au film, le précipitant dans un tragique romantique qu'on n'imaginait aux premiers abords.
Il y aurait beaucoup à dire, à analyser.
Entre deux séquences d'une drôlerie absolue, Yórgos Lánthimos nous assène avec une froideur et une insensibilité rare une violence autant physique que psychologique.
Le film n'est pas à mettre entre toutes les mains.
Et heureusement.
Car c'est un bel et étrange objet que voilà.
NB : un grand bravo pour l'idée que Nick Cave fait sortir les gens de l'individualisme moqué que provoque la musique électronique.