/!\ Cette critique contient des spoilers.
Un vent d’air frais souffle sur le cinéma 2015. Laisse-toi emporter ou passe ton chemin. Car, oui, comme en témoignent les quatre personnes qui ont quitté la salle en pleine séance, ce film n’est manifestement pas fait pour tout le monde. En attendant, moi, je reprendrais bien du homard.
The Lobster, ovni de Yorgos Lanthimos, dépeint un monde proche et éloigné de nous à la fois. Globalement, les paysages sont les mêmes, les looks sont les mêmes… A priori, rien n’a changé. A un seul petit détail près : si tu es célibataire, tu passes 45 jours dans un hôtel et si tu n’arrives pas à te caser, tu es transformé en animal. De ton choix. Et tu peux repousser l’échéance en abattant des célibataires endurcis. Alors franchement, arrête de te plaindre. Radical ? Tu trouves ça radical ? Oui, bon, un peu. Mais au final, pas beaucoup plus pénible que les regards concernés de tes proches lorsque tu déclares que oui, tu es célibataire. Le scepticisme quand tu dis que tu le vis bien. Allez, t’inquiète pas, on va te trouver quelqu’un. Faut juste que tu coches quelques cases. Tu es quoi, toi ? Hétérosexuel ? Homosexuel ? Ah, bisexuel ? Désolé, ça, on n’a pas. Vaut mieux que tu dises que tu es hétéro dans ce cas-là. Bien. Alors, dis-moi, est-ce que tu as une caractéristique particulière ? Tu es myope ? Ah bah alors tiens, c’est fou ça, je connais justement quelqu'un qui est myope. Franchement, c’est un siiiigne. Son prénom ? Je sais pas, je sais juste qu’il est myope. Mais vous allez super bien vous entendre, c’est sûr.
… Mais quelle angoisse. Les animaux se prennent sans doute moins la tête que nous. Parce qu’on pourrait croire que c’est mieux du côté des célibataires, des « Solitaires » ... mais vraiment pas. Si tu as le malheur de flirter, il y a plein de manières de te torturer. On peut te découper la bouche au rasoir, par exemple. Grosse ambiance.
Célibataire, en couple, choisis ton camp, mais tu ne gagneras jamais vraiment. Tout au long du film, Yorgos Lanthimos multiplie les idées de génie pour dénoncer l’absurdité du conformisme de notre société. Et on rigole. On rigole vraiment. La forme et le ton décalé du film m’ont un peu rappelé les Wes Anderson. Un Wes Anderson qui aurait un sacré coup de blues, certes, car l’ambiance est plutôt morne, mais tout de même. En ce qui concerne le fond, on observe quelques points communs avec deux films récents que j’ai beaucoup appréciés : Gone Girl (les mensonges et les faux-semblants au sein du couple) et Her (la rupture, la solitude, l’amour non conventionnel, les lunettes et la moustache).
Last but not least, The Lobster bénéficie d’un très bon casting qui livre des performances solides. Toujours sympathique d’apercevoir Ben Wishaw. Toujours agréable de retrouver des acteurs dans des rôles qui les mettent en valeur : Colin Farrell et Rachel Weisz forment un très joli duo, dont la relation, développée en seconde partie de film est aussi absurde qu’attendrissante. D’ailleurs, mon côté fleur bleue espère que notre moustachu bedonnant a fini par rejoindre sa dulcinée les deux yeux intacts, lui expliquant que certes, l’amour est aveugle, mais faut quand même pas exagérer. Pas besoin de ça pour s’aimer. (Laissez-moi rêver.)