Un film long, lent et bucolique sur l'amour et ses dérives sociologiques. Un essai de style voué à conquérir le public de Cannes autour de la liberté et du couple. Un pamphlet du communautarisme moderne qui s'insinue jusque dans notre vie la plus privée : nos choix amoureux.
On suit un Homme récemment largué par sa femme après 12 ans de bons et loyaux services de concubinage. Il est accompagné de son frère, métamorphosé en chien après avoir échoué à trouver chaussure à son pied. L'absurde s'immisce avec brio dans le scénario, et ce dès le premier plan séquence, pour ne plus quitter le film jusqu'à sa conclusion.
Yorgos Lanthimos nous dépeint une société de contrôle et de règles, presque mécanique. La réalisation et la photo grisonnante soulignent ce manque de magie véritable. Ce monde là ne nous fait pas rêver, à des millions de lieues de nos classiques histoires de princesses et de princes. Et pourtant, c'est le nôtre qui est dépeint, avec cette sublime métaphore de l'amour et de son imagerie sociale.
Dans la première partie, nous subissons comme Colin Farrel et son gros bide cette valse ininterrompue de flirts provoqués, encadrés, sans saveur. Si le ton du film et l'humour noir prononcé, parfois glauque (cf la malheureuse dame aux gâteaux) arrache au spectateur de francs fou-rires, le héros quitte ce premier cercle pour retrouver les "solitaires", sorte de bande anti conformiste cachés dans la forêt. La seconde partie perd alors en saveur ce qu'elle gagne en propos, s'éternisant dans des longueurs indigestes. Car il s'agit bien d'une fuite en avant. On comprend bien que nulle part notre héros ne pourra bouleverser l'ordre établi, dans lequel sa liberté se retrouve toujours brimée.
J'ai aimé l'idée, la réalisation, moins le film lui même qui m'a paru long, et a perdu en saveur au fur et à mesure que le second acte passait. Il se retrouve sauvé par la scène finale, jeu de mot parfait offert au spectateur et dernier retour sur terre : si l'amour rend aveugle, pourquoi ne pas tout simplement le supprimer, l'encadrer, y mettre de la logique, vivre et mourir sans l'avoir vécu ?