Le passage à la réalisation de Maggie Gyllenhaal ne doit vraiment pas représenter une surprise tant sa manière très personnelle d'investir ses rôles, en tant qu'actrice, laissait à penser qu'elle avait en elle la capacité d'aller plus loin que la simple interprétation. En adaptant Poupée volée d'Elena Ferrante, elle se frotte à un sujet de plus en présent en littérature ou au cinéma, alors qu'il a été longtemps tabou, celui de la maternité "contre nature", selon l'expression même utilisée par l'héroïne de The Lost Daughter. Le film voyage sur les rives d'une mère intérieure entre le présent (les vacances en Grèce d'une femme solitaire de 48 ans) et le passé (la même, une vingtaine d'année plus tôt, avec ses deux filles), avec des flashbacks de plus en plus prégnants, qui ne sont pas loin de briser l'équilibre du long-métrage. Mais le désordre émotionnel et l'absence d'harmonie sont au cœur de The Lost Daughter qui fait sourdre la tension dramatique d'événements parfois a priori anodins. C'est dans la création d'une atmosphère inquiétante sur cette île grecque, où tout ne devrait être que calme et volupté, que Maggie Gyllenhaal montre une maîtrise étonnante et fait regretter les trop nombreux retours dans le passé, évoqués auparavant. Indépendamment, et ce n'est pas non plus une source d'étonnement, c'est dans la direction d'acteurs que la néo-réalisatrice se révèle infiniment douée, y compris pour des rôles secondaires comme celui d'Ed Harris. Ses trois personnages féminins sont intenses et magnifiquement joués par Dakota Johnson, Jessie Buckley et, planant comme un aigle royal au-dessus de la mêlée, Olivia Colman, sublime dans sa force fragile et ses vibrations intimes.