Trois nominations aux Oscars, Cinq aux BAFTA, Lion d'Argent pour le réalisateur et les deux acteurs principaux et presque Lion d'Or à Venise. Autant dire que le nouveau Paul Thomas Anderson a des arguments à faire valoir vu ce florilège de nominations et récompenses. Mis à part "There will be blood", je n'ai vu aucun PTA. Mais j'ai remarqué dans son précédent film, qu'une exigence et une pleine attention sont requises dans ses films. Au vu de sa notoriété dans le cinéma indépendant américain, il a de quoi continuer à être encore plus perfectionniste.
The Master, c'est un sujet controversé et magnifiquement interprété, taillé pour les nominations et récompenses. Si la polémique a longtemps suivi le film pour sa ressemblance avec l'histoire de la Scientologie, personnellement et même en connaissant peu du culte de Tom Cruise, j'ai vu dans The Master un film qui pourrait traiter de n'importe quelle secte, religion ou communauté. Ce que j'ai adoré avant tout dans ce film, c'est ce tableau de l’Amérique post-seconde guerre mondiale où la mentalité des hommes ont changé. Où ces derniers ont été tellement perturbés que leur retour dans la société est difficile. Celle-ci n'ayant pas conscience du mal qui ronge ces hommes, cette société qui a continué à "prospérer" comme si de rien n'était et qui se laisse ronger l'esprit par des "charlatans", des beaux parleurs métaphysiciens qui savent convaincre les foules. J'ai adoré la séquence où un homme s'oppose au leader de la Cause, en lui posant des questions et surtout en lui définissant le terme culte, qui dépend de l'opinion d'un seul homme. A l'inverse la répartie du leader est d'une pleine argumentation, qui bien qu'impulsif, lui balance que cet "individu" intervient avec ses a-priori et sans réelle volonté de connaître et de tolérer le point de vue inverse. Un dialogue symbolique qui va au-delà d'un échange entre deux partis, c'est l'image même du paradoxe d'une conversation entre deux individus.
Si la photographie du film reste relativement équivoque à ce qui se fait dans le cinéma indépendant américain actuelle, il faut reconnaître un travail perfectionniste sur l'aspect visuel et sonore du film. Néanmoins, ces aspects techniques sont éclipsés par les interprétations brillantes du triangle d'acteurs principaux. Joaquin Phoenix qui campe littéralement un soldat aliéné et alcoolique notoire, Philip Seymour Hofman en leader charismatique de la Cause et Amy Adams, qui interprète sa femme, personnage peu développé mais qui explose d'intensité dans sa confrontation pulsionnelle avec son mari dans la salle de bain. Une séquence choc qui ne laissera personne de marbre.
Malheureusement, si le film est porteur d'un sacré message et révélateur d'une société attristée par ses pertes, The Master demande beaucoup d’exigence. Il n'est pas aisé de rentrer pleinement dans ce film. The Master n'est pas à mettre entre toutes les mains. La dernière partie est bien plus complexe que ce qui a été livré pendant plus d'une heure et demi. De questions se soulèvent sur la réalité de ce qui se passe à l'écran ou si tout n'est que l'imagination et la folie pure et dure de Joaquin Phoenix. Le sens de certaines séquences est difficile à définir sur l'instant et personnellement je trouve que le film se termine sur une forme d'incompréhension et d'inachevé. Après concernant la relation du maître et de son disciple, je trouve cette relation étrange, peu crédible qui relève davantage du mystique. On sort de la salle avec, il est vrai, une certaine frustration. Frustration par rapport à ce film difficilement accessible sans une certaine connaissance au préalable.
Les perfectionnistes et les cinéphiles du cinéma d'auteur seront comblés, le grand public un peu moins et entre eux, les intermédiaires trouveront matière à apprécier le film sans pour autant rentrer dedans. Cette traversée est assez pénible même si à bord de ce paquebot, il y a des qualités indéniables qui font rentrer aisément ce film dans la filmographie célèbre de Paul Thomas Anderson, réalisateur contemporain qui a déjà, à coup sûr, marqué le cinéma de son empreinte.