Après le superbe « The Witch », revisite du mythe des sorcières, et un plus hermétique mais non moins intéressant « The Lighthouse » reprenant la mythologie marine en la teintant d’une pulsion lovecraftienne, Robert Eggers revient aux affaires en 2022 avec un film de vikings. En partie financé par Universal (60 millions puis 95 pour cause d’interruption de tournage à cause d’un virus pas sympa) qui l’a dépossédé du final cut suite à un premier montage jugé trop abscons par le public test.

De fait même dans sa forme actuelle « The Northman » prend le pari de raconter une saga scandinave en le débarrassant au maximum du fatras hollywoodien (casque à cornes et compagnie) pour en retrouver le sel originel un peu à la manière de ce que faisait « The Green Knight » de la chanson de geste. Ainsi Robert Eggers se permet des représentations mythologiques sur une très étroite ligne de crête, quelque part entre le grandiose et le ridicule, en mettant en scène la Norne, la Valkyrie et l’Arbre des Rois ainsi que les portes du Valhalla. Vision mythologique, pour peu que l'on rentre pleinement dans le film, qui n'existent nulle part ailleurs.

De la même façon Eggers apporte un soin tout particulier aux scènes de rituels notamment une scène de préparation des berserkers (berserksgangr) absolument fascinante et effrayante. Ainsi par son récit de vengeance qui fait fortement penser au chef d’œuvre « Conan le Barbare » de John Milius propose une histoire simple aux accents shakespeariens assumés (le récit adapté est celui qui inspira « Hamlet » au britannique) qu’il reconnecte aux grands récits mythologiques.

Mis brillamment en scène, malgré le fait que Robert Eggers semble parfois trop conscient de sa virtuosité, "The Northman" est construit autour de nombreuses séquences débutant par un plan fixe, quasi naturaliste, puis dans lequel le mouvement s’imprime lentement pour révéler l’ampleur des enjeux. Le film embrasse ainsi une cohabitation de l’intime et du spectaculaire, de la pulsion et de la réflexivité du héros qui permet d’apporter une vision davantage nuancée du récit vengeur.

Nuance qui s’exprime d’autant plus que Robert Eggers n’oblitère pas la dimension simpliste d’un héros décrit comme un animal blessé mais l’enrichit de questionnements ontologiques. La quête se fissure peu à peu au contact des personnages féminins. L’amour qu’il porte à Olga lui donne une possible porte de sortie et la révélation par sa mère de la vérité sur la mort de son père lui fait comprendre que ses comportements dominés par la violence et la répression ne sont que le reflet d’une société dominée par un virilisme triomphant mais fondamentalement mortifère.

Créée

le 25 mai 2022

Critique lue 63 fois

1 j'aime

geographe

Écrit par

Critique lue 63 fois

1

D'autres avis sur The Northman

The Northman
Sergent_Pepper
4

Primal team

Alors qu’il s’était fait connaître dans le registre modeste du film de genre (The Witch) et du huis clos perché (The Lighthouse), Robert Eggers passe avec The Northman dans la cour des grands : un...

le 12 mai 2022

99 j'aime

5

The Northman
Moizi
2

On garde deux trois décors, la musique et on brûle le reste

Bon je crois que le cinéma de Robert Eggers c'est vraiment pas pour moi, c'est long, c'est mou, c'est pompeux, ça se prend au sérieux alors que c'est totalement con et surtout c'est poseur. Disons...

le 14 mai 2022

80 j'aime

16

The Northman
Behind_the_Mask
9

De bruit et de fureur

Les tambours de guerre résonnent. Et épousent le rythme du sang qui bat dans mes tempes. Frénétique.Les corps, eux, se désarticulent dans une danse éperdue, autour du feu qui embrase la nuit.Et...

le 11 mai 2022

61 j'aime

8

Du même critique

Massacre à la tronçonneuse
geographe
2

Massacre

En 1974, Tobe Hooper, armé d’une caméra, de son scénario co-écrit avec Kim Henkel et de comédiens pour certains amateurs va réussir à mettre en boîte un des plus grands films de l’histoire du cinéma...

le 19 févr. 2022

7 j'aime

5

Il est trop bien
geographe
1

C'est l'histoire d'un mec

Le 22 mars 1895, devant un parterre restreint de savants de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, au n° 44 de la rue de Rennes les Frères Lumières réalisent la première projection de...

le 8 nov. 2021

5 j'aime

1

The Green Knight
geographe
9

Le preux chevalier.

Carrière singulière que celle de David Lowery, réalisateur d'un premier film prometteur aux accents malickiens en 2013, « Les amants du Texas », puis le remake de « Peter et Elliot le Dragon » dans...

le 25 août 2021

4 j'aime

4