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Quelque chose est pourri dans le Royaume d’Eggers…

Troisième long-métrage de Robert Eggers et toujours, chez moi, ce même constat.
Oui ce cinéma est beau. Oui ce cinéma est élégant. Oui ce cinéma est séduisant…
Mais ce cinéma, chez moi, il ne fait pas vibrer grand-chose…
…Et ça m’attriste.

Ça m’attriste parce que là que je reviens de ce The Northman, il semble évident que le problème vient un peu de moi mais qu’il vient aussi pas mal de lui.
Parce qu’il y en aura forcément des gens qui iront voir ce film et qui se diront ravis.
…Ravis de ses compositions pleines de géométries et d’élan ; ravis de cette photographie qui sait tout autant creuser les visages qui faire luire les corps trempés de sang et de rage ; ravis de cette capacité à entretenir en permanence une atmosphère pesante et animale, où l’homme n’est qu’une bête sauvage parmi tant d’autres ; une bête folle…
Et pour le coup ils n’auraient pas tort d’être ravis car il est vrai qu’à ce niveau-là, Robert Eggers sert encore-là un ouvrage d’un raffinement aussi certain que rare…
Enfin « rare »…
« Rare » par rapport aux autres certes…
…Mais pas rare par rapport à Robert Eggers lui-même malheureusement.

Car ce Northman n’a beau être que le troisième long-métrage de l’auteur qu’il sera difficile de ne pas y voir une évidente continuité, pour ne pas dire une regrettable redite.
Déjà sept ans plus tôt, Eggers nous jouait-il avec *The Witch * cette partition du petit groupe humain isolé dans la vaste nature hostile qui devait se confronter à sa propre animalité et sa propre folie…
Même démarche, même qualité mais, malheureusement aussi même problème.
Et ce problème il tiendrait selon moi à une certaine forme de surplace.

Et quand je parle de surplace qu’on ne se méprenne pas.
Oui c’est vrai que ce The Northman – comme The Witch – délaisse assez rapidement les enjeux de son intrigue et participe ainsi à enliser progressivement (et durablement) cette dernière… Mais ça, pour moi, ce n’est pas un souci en soi.
Justement, l’enlisement de la situation est dans le cinéma d’Eggers la condition nécessaire pour la dilution de la raison.
C’est parce qu’ils croupissent que les personnages dévissent.
Seulement le problème que j’ai avec ça c’est que je peine à percevoir une exploration sensorielle dans ce croupissement.
Entre la folie du début, celle du milieu et celle de la fin, je ne vois au fond que peu d’évolution.
Certes, quelques tableaux viennent parfois diversifier le spectacle, mais le grain des hommes à la fin reste plus ou moins le même que celui du début…

C’est juste qu’ils crient plus sur le final. ;-)


Or c’est parce que ce Northman peine justement à me faire cheminer dans cette folie qu’à mes yeux ça n’en rend que plus pesant l’immobilisme de l’intrigue.
Au fond dès le départ on sait ce qui va se passer. On sait comment tout ça va finir. Et le fait que ce film s’ancre dans le schéma archi-connu de la tragédie d’Hamlet n’aide en rien.
Eggers semble d’ailleurs lui-même être mal à l’aise avec ce cheminement des plus prévisibles, si bien qu’il semble parfois se complaire dans une certaine forme d’outrance dans le second degré…

Entre ce rite initiatique gazeux entre père et fils et cette danse autour du feu qui a frôlé la comédie musicale, la ligne rouge fut pour moi quelques fois franchies…

…au point que le malaise parfois installé ne soit pas de ceux qui rendent pleinement service au long-métrage.

A dire vrai, ce que je trouve vraiment triste avec le cinéma de Robert Eggers, c’est que c’est un cinéma qui ne me surprend pas, ou plutôt un cinéma qui peine à me surprendre.
Comme je le disais plus haut, il y a bien deux ou trois moments de bravoure qui pointent de temps et temps le bout de leur nez et qui, ponctuellement, peuvent soudainement me sortir de ma torpeur. Mais globalement l’élan de ce The Northman tombe souvent, noyant ses spasmes de folie créatrice dans la terrible longueur de l’œuvre (presque 2h20, il faut quand même se les enquiller) et surtout dans le caractère au fond bien conventionnel du sujet traité.
Car si le précédent film de l’auteur – The Lighthouse – pouvait indéniablement s’appuyer sur la singularité de son lieu mais aussi sur le caractère atypique et saugrenu du mythe qu’il parvenait à échafauder et à entretenir, The Northman subit quant à lui la popularité du monde viking, que ce soit dans l’industrie du grand spectacle (séries télévisées, ubisofteries et autre « cory-barlogueries ») que dans celle du monde plus fermé des auteurs expérimentaux (…et là difficile de ne pas penser au Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn).

Alors après, c’est sûr, tout ça ne retire rien du tout aux qualités sus-citées, j’en conviens. On pourrait même se satisfaire que, malgré une hausse conséquente du budget qui lui a été alloué, Eggers ait su rester fidèle a un parti-pris formel osé et qu’une partie de moi a d’ailleurs envie de voir perdurer…
…Seulement voilà une autre partie de moi reste persuadée en contrepartie qu’après trois films qui suivent plus ou moins la même démarche – et cela avec les mêmes limites – il serait peut-être bon que l’audace appelle à encore davantage d’audace.
L’installation d’atmosphère étant désormais acquise – et la folie durablement traitée – il pourrait être pertinent de désormais davantage réfléchir en termes d’exploration ou de dynamique.

Dans ces conditions, peut-être, me réjouirais-je alors,
De voir dans les salles, à nouveau se pointer l’homme du Nord. ;-)

Créée

le 17 mai 2022

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