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Après The Lighthouse, Robert Eggers reviens à sa passion pour les folklores européens du Moyen Âge. Cette fois-ci avec beaucoup plus de moyens et d’ambitions puisque le jeune réalisateur s’est ni plus ni moins lancé dans une déconstruction d’une histoire culte que tout le monde aura déjà pris la peine de nommer à ma place. Une déconstruction d’abord culturelle puisque le film ne se déroule pas au Danemark mais dans un trou paumé quelque part en Islande, dont les paysages en prises de vues réelles sont à tomber par terre.
Le film offre d’ailleurs des visuels et une photographie qui valent le déplacement, saupoudré d’une mise en scène inspirée et efficace. Eggers posant tantôt sagement sa caméra dans le quotidien pittoresque des païens qui tissent le fil de leur destin avec finesse et détachement, s’aventurant parfois même dans le territoire mystique du rêve, tantôt l’abandonnant au milieu d’un chaos décontenançant de festivité où les hommes, maculés de sang, hurlent comme des bêtes en très gros plan et où la danse des flammes dessine leurs silhouettes dans l’obscurité. Le tout souligné par des plans séquences maîtrisés et des musiques particulièrement immersives.
Une façon pour le réalisateur de revenir « à la source » du mythe qu’il nous dépeint. Eggers ne manquera d’ailleurs pas de faire plusieurs allusions très assumées, parfois trop, au mythe en question et de jouer continuellement avec les attentes de ceux qui connaissent la pièce en désamorçant régulièrement les situations à grand coup de hache dans la gueule et autres joyeusetés prenant alors à contre-pied l’inspiration première. Recréant, à sa manière, l’ironie dramatique nécessaire pour souligner toute la futilité et les conséquences déplorables de la vengeance.
Vengeance inévitable, selon Willem Dafoe, Ingvar Sigurðsson ou la chanteuse Björk. Autant de personnages aveugles annonçant l’imminence de celle-ci car légitime au yeux du personnage principal, une brute épaisse assoiffée de sang dans rôle d’Alexander Skarsgård, ou l’inverse, le doute est permis, qui préférera la violence à la ruse pour se faire justice et ainsi accomplir son destin auquel il s’accroche comme un clébard à un vieux chausson. Le destin jouant un rôle majeure dans la philosophie scandinave.
Parce-que The Northman ne joue pas qu’avec les codes du théâtre mais aussi et surtout avec la culture scandinave sans perdre de vue ses objectifs et tomber dans le documentaire lisse et vide de sens. La violence, et les clichés sur nos amis nordiques, restent les moteurs du récit, au détriment du personnage d’Anya Taylor Joy, qui aurait peut-être mérité un peu plus de développement sans déborder sur le final cut (je suis sûr que les fantaisies gastriques et gutturales de l’introduction étaient dispensables).
Les autres personnages, bien que fonctionnels, sont justement interprétés (sauf peut-être Nicole Kidman qui surjoue un peu sur la fin) et prennent vie dans un récit ironique, mystique et folklorique qui déconstruit sauvagement la pièce dont il s’inspire tout en en conservant le fond et nous rappelant que quelque soit le contexte ou la raison, lorsque l’on souhaite se faire justice, la vengeance, elle aussi, est aveugle.
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Créée
le 11 mai 2022
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