Je ne connais pas le cinéma de Robert Eggers (oui, oui, promis, je regarde bientôt The Witch et The Lighthouse !), mais avec The Northman, je peux d'ores et déjà affirmer qu'il a une belle maîtrise, surtout pour ce qui est de mettre en valeur un personnage ou un cadre par le rougeoiement d'un feu crépitant ou de la lave pour la scène finale dont je ne dirai rien de plus. Je ne vais pas spoiler quand même.


Le scénario rappelle beaucoup Hamlet de Shakespeare et le protagoniste est un prince nommé Amleth qui veut venger l'assassinat de son père par son oncle. Quoi de plus Hamlet ou Amleth ? Attendez SVP... ah, on me signale à l'oreillette que le film est adapté d'une légende moyenâgeuse nordique qui a inspiré très fortement le dramaturge britannique pour sa très célèbre tragédie. Bon, ben, merci, à l'avenir, je dormirai un peu moins con.


Autre point fort que le visuel qui assure, ben, il n'y a aucun délire woke voulant mettre de la diversité contre toute vraisemblance dans la Scandinavie du IXe siècle. Non, mais cela a atteint un tel degré de connerie profonde que je me sens obligé de juger cela comme un point fort. Cela fait du bien de voir qu'il est encore possible de réaliser des films sans se préoccuper de telles débilités.


Et j'ajoute que les acteurs et actrices sont impeccables. Le beau gosse Alexander Skarsgård perd en élégance ce qu'il gagne en virilité (donc les femmes hétéros et les hommes homos peuvent respirer !) à travers un caractère jusqu'au-boutiste dans sa soif de vengeance. Anya Taylor-Joy est d'un charisme toujours incroyable tout en confirmant qu'elle est pleinement à l'aise dans les atmosphères troubles et inconfortables. Nicole Kidman est en retrait, mais dès que le scénario lui fournit l'occasion de briller à deux reprises, elle ne fait pas les choses à moitié. C'est une grande comédienne et elle le prouve ici à nouveau. Par contre, si je savais que les Vikings étaient en avance dans de nombreux domaines, comme l'égalité homme-femme, le droit au divorce, etc., j'ignorais qu'ils avaient aussi de brillants chirurgiens esthétiques donnant la possibilité de traverser un bon paquet d'années sans prendre une ride.


Oui, quitte à être dans le sarcasme, autant y rester encore un peu. Lorsqu'on envoie ses hommes de main occire un père et son fils, le plus logique, c'est de dire à certains de s'occuper spécifiquement du premier et à d'autres du second. Comme cela, ça évite à ce dernier d'avoir la possibilité de se barrer, tout ayant l'assurance presque certaine de réussir son (double !) coup. Bon, c'est sûr que le film n'aurait pas duré de deux heures dans ce cas, mais un peu plus de vraisemblance, trouver un truc plus subtil, moins paresseux, pour justifier le fait que le prince héritier échappe par miracle à un assassinat, ça aurait fait mieux. Et pour celui qui se fait arracher le nez, pourquoi le tonton sadique qui trucide toujours quelqu'un à chaque fois qu'il n'est pas content ne lui dit rien quand il se rend compte qu'il lui a menti ?


Bon, l'ensemble est mené implacablement, sans fioritures dans le rythme, osant quelques insertions de merveilleux pour bien relever le côté mythologique du truc, permettre au héros d'avancer dans sa quête de revanche en lui fournissant à chaque fois une clé (une information ou un objet !) et pour donner quelques beaux moments d'inspiration de mise en scène.


Je regrette tout de même dans le déroulement de l'histoire une ellipse qui fait passer à côté de la formation physique et psychologique de sa fuite après le meurtre de son géniteur jusqu'à ce qu'il se fasse passer pour un esclave pour pouvoir se rapprocher plus aisément de celui qui est la cause de ses malheurs. D'autant plus que le fait de le voir participer à un massacre de villageois innocents lui insuffle une complexité d'antihéros qui aurait pu être exploitée pour rendre le tout plus perturbant et percutant.

Et comment Olga peut prouver qu'elle porte dans son ventre les deux enfants d'Amleth ? L’ADN, ça existait aussi à l’époque ?

Bref, The Northman a des qualités et des ambitions de mise en scène méritant des éloges. L'interprétation est au top. Le récit se suit sans la plus petite seconde d'ennui. Avec un peu plus de rigueur qui aurait permis de corriger des invraisemblances ou/et des facilités, on aurait pu avoir quelque chose de vraiment énorme. Dommage.

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le 12 mai 2022

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Plume231

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