Depuis 35 ans, Stephen Frears mène un combat personnel pour défendre l’identité britannique. Il aime tant son pays qu’il n’a de cesse de pilonner les imperfections de ses dirigeants pour mieux en dégager l’exceptionnelle dignité d’une nation. Que ce soit les défaillances sociales du système Thatcher avec « Walter & June », l’intolérance et la racisme avec « My beautiful laundrette », l’immigration avec « Dirty pretty thing » ou le courage et la force des londoniens pendant la guerre avec « Madame Henderson présente », il dresse des tableaux sombres aux travers d’expériences humaines dramatiques dont ressort toujours un esprit de liberté, de générosité et de détermination. Acide avec le système, il demeure magnanime avec ses personnages.
Dans « The queen » il s’attaque à un sujet que l’on considère chez nous comme le scoop de la fin de siècle alimentant les tabloïds ou les écrans TV : la mort de la Princesse Diana. Mais il se garde bien de tomber dans le sensationnel ou le sirupeux. Bien au contraire. Il met en évidence le tsunami que cette mort a provoqué sur le royaume et qui a bien failli l’ébranler. Nous suivons le quotidien de la reine Elisabeth et de sa famille, du Premier Ministre Blair, des conseillers gouvernementaux. Chacun campant sur ses positions face à la pression publique très forte mise en évidence ici par les incrustations d’images télévisuelles ou de titres de journaux.
Il ne juge pas, bien au contraire, il analyse chaque réaction sans pour autant approuver et relate avec beaucoup de pudeur et d’intelligence cette folle semaine vécue par les Anglais.
Techniquement parfait, ce film fait mouche. Si la subtile bande originale d’Alexandre Desplat, la photo d’Affonso Beato et la direction artistique sont impeccables, la palme revient à l’interprétation. Michael Sheen en Tony blair est très convaincant, James Cromwell en Prince Philip parfait, quant à Helen Mirren en Elisabeth, elle est troublante non pas seulement par la ressemblance physique mais aussi par son incroyable finesse de jeu. Après le prix d’interprétation à Venise, on aimerait bien lui voir décerner un Oscar !