Dès les premières minutes de The Revenant, le ton est donné. Inarritu prolonge son ambition aperçue dans Birdman, celle de dynamiser, fluidifier au maximum sa mise en scène. Les plans-séquences s'enchaînent, Di Caprio nous rappelle qu'il mérite son oscar et les images offertes nous plongent dans une nature féroce, hostile, glaçante.


D'un point de vue purement technique, la réussite est totale. Il faut rappeler que le réalisateur de Birdman ou 21 Grammes avait bien prévu son coup. Un tournage rallongé de plusieurs mois pour continuer à filmer seulement en lumière naturelle. A la vision de ces paysages splendides, ce choix est clairement payant. Les longs plans à l'épaule se suivent et subliment l'horizon de cette partie glacée de l'Amérique. Certains plans sont bouleversants et ce, sous diverses formes. Que ce soit dans l'attaque sauvage du grizzly, le point déclencheur du film, une scène réalisée on ne sait comment, avec une intensité et un souci du réalisme bluffant. Ou encore dans des moments plus calmes ou la simplicité de la nature est confrontée à la bestialité de l'homme, un des thèmes récurrents de The Revenant.
L'opposition Homme/Nature fait ainsi la part belle au jeu d'acteur de Leonardo Di Caprio, lequel semble tout au long du film se rapprocher des éléments tout en y risquant toujours plus sa vie. Le héros du dernier Scorsese nous offre une de ses plus belles prestations, une de ses plus belles barbes, une de ses plus belles voix. Mutilé et affaiblit pendant la quasi totalité de l'histoire, il peut "se limiter" à un jeu d'acteur assez répétitif mais il le fait à la quasi-perfection. Si sa performance divisera comme à chaque fois ou presque, la comparaison avec Tom Hardy lui sera forcément avantageuse tant le Mad Max de Miller semble en retrait par rapport à Léo. Si l'oscar se refuse à lui une nouvelle fois, il aura de quoi être déçu tant l'humanité qu'il dégage au beau milieu d'une nature livrée à elle-même est bouleversante.
La survie en milieu hostile, qui plus est dans un univers enneigé a rarement été aussi bien comtée. Everest sorti il y a quelques mois fait bien pâle figure en comparaison. La souffrance de Hugh Glass, ce trapiste du début du 19ème nous appartient, nous transcende tant la caméra permet l'immersion. Le froid, la douleur, la tristesse, la trahison, la vengeance, tout ces sentiments semblent limpides, clairs, linéaires à travers la réalisation d'Inarritu. La mise en scène dépasse sa fonction et ne nous emporte pas seulement dans l'histoire mais dépasse celle-ci, nous dépose dans un univers nouveau, celui de la contemplation, celui de l'admiration.
Incontestable claque esthétique et visuelle, réalisation à couper le souffle. Ce The Revenant aurait pu être plus encore sans certaines scènes décevantes. Notamment la scène ou Hugh Glass et le chef de l'expédition ont une discussion sur les prochains mouvements à faire et ou Leo nous confesse ce que l'on sait déjà ("je ne craint plus la mort, je suis déjà mort), dans une lourdeur dommageable quant on pense à la puissance de cette idée telle que retranscrite tout au long du film. Hormis les apparitions oniriques de la femme de Glass et les quelques lourdeurs évoquées plus haut, The Revenant ne souffre à mon goût d'aucune autre faiblesse. Même la vengeance froide de Glass semble parfaite tant la réalisation nous rappelle l'insatisfaction d'un tel acte. Alors que celle-ci aurait put être décrite dans une gratuité inutile, Inarritu laisse la sobriété et la simplicité faire le reste.


Une réalisation splendide, subjuguée par une musique d'une parfaite sobriété enjolivent ce magnifique moment de cinéma. La petitesse de l'homme face à l'immensité de la nature, un axe de réflexion très répandu mais pourtant rarement aussi bien mis en lumière.
De-là à imaginer un doublé pour Alejandro González Iñárritu aux oscars?

Christophe_Mrr
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le 27 déc. 2015

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