Dans la profondeur de la forêt résonnait un appel, et chaque fois
qu'il l'entendait, mystérieusement excitant et attirant, il se sentait
forcé de tourner le dos au feu et à la terre battue qui l'entourait,
et de plonger au cœur de cette forêt toujours plus avant, il ne savait où ni pourquoi ; il ne se posait pas la question mais l'appel résonnait impérieusement dans la profondeur des bois.
- The Call of the Wild, Jack London, 1903.



The Revenant résonne un brin comme cette oeuvre de London. Alejandro González Iñárritu balance deux-heures-vingt-six-minutes durant- une merveille de réalisme, une claque esthétique entremêlée d'une âpreté rare. Un western contemplatif et mystique associant instants primitifs et célestes. Que de paysages grandioses - uniquement tournés en lumière naturelle, les panoramas offrent un spectacle inouï, magnifié par une photographie divine d'Emmanuel Lubezki. Par delà les monts, les rivières et les forêts, nous sommes immergés dans une Amérique sauvage en compagnie d'une bande de trappeurs composée de Hugh Glass (Leonardo DiCaprio), du capitaine Andrew Henry (Domhnall Gleeson) et de John Fitzgerald (Tom Hardy). A la suite d'une attaque d'Indiens, le groupe de chasseurs se trouve vite décimé et laissé à son propre sort. Glass se retrouve gravement blessé après qu'un grizzli l'aie surpris près de leur campement. Fitzgerald, chargé de protéger Glass, va finalement l'abandonner et pire, tuer son fils. Ce dernier, couvert de blessures et enterré vivant, sort de sa tombe animé par un impétueux désir de vengeance.


Commence alors son éprouvant périple au sein d'une nature souveraine et rude. Une nature si minutieusement capturée par Iñárritu, qui trace par la même les itinéraires des hommes parmi les éléments - un feu de campement non loin d'un cours d'eau sur une terre hostile accompagné d'un air à la fois glacial et faussement paisible. De la brume s'éveille un souffle, soupirs d'un homme revenu des ténèbres, qui aperçoit la lumière d'une comète, telle une fresque du firmament dissimulée par les arbres, immobiles et complices.


Entre l'Homme et la Nature s’immisce la spiritualité : Fitzgerald, athée convaincu, raciste et méprisant envers le peuple indien s’oppose diamétralement à Glass, quant-à-lui imprégné de leur langue et coutumes. La rivalité des deux hommes s'inscrit comme un contraste des civilisations et des croyances, une dissonance pointée au sein d'une harmonie d'un monde telle une tâche de sang sur un rivage enneigé.


Le seul hic à souligner réside peut-être dans le fait que le réalisateur n'unifie pas pleinement le fond à la forme, en combinant les sujets de la vengeance et de la survie à ceux de la religion, du racisme, voire peut être de la souveraineté indienne. Leonardo DiCaprio livre une performance exceptionnelle lui permettant de se voir enfin décerner l'Oscar du Meilleur Acteur. Tom Hardy, toujours l'accent traînaillant, campe un chasseur sans vergogne et fournit lui aussi une solide prestation. Domhnall Gleeson se distingue également.


The Revenant a remporté 3 Golden Globes ainsi que 3 Oscars le 28 février 2016 en consacrant Iñárritu une deuxième année consécutive en tant que meilleur réalisateur, Di Caprio meilleur acteur, et Emmanuel Lubezki meilleure photographie pour la troisième fois d'affilée.

Créée

le 13 janv. 2016

Critique lue 1.7K fois

48 j'aime

6 commentaires

Palatina

Écrit par

Critique lue 1.7K fois

48
6

D'autres avis sur The Revenant

The Revenant
Fritz_the_Cat
8

Marche funèbre

Ce n'est pas très conventionnel, mais commençons par une mise au point entre rédacteur et lecteurs : je fais partie des rares personnes qui n'ont pas aimé Birdman, le précédent travail d'Alejandro...

le 25 févr. 2016

173 j'aime

41

The Revenant
Peaky
9

Immersion totale.

Passé l’exercice de style, accompli avec un brio rafraîchissant et sans précédent, de Birdman, Inarritu revient avec une œuvre, toute aussi maîtrisée, mais plus complète. Dès l’une des premières...

le 28 déc. 2015

114 j'aime

18

The Revenant
guyness
6

Back to the suture

Il est parfois de grandes énigmes qui se révèlent être de parfaits trompe-l’œil. De face, l'absence d'Oscar pour Leonardo jusqu'à ce film pouvait sembler incompréhensible. Mais en se déplaçant de...

le 29 févr. 2016

102 j'aime

23

Du même critique

Caché
Palatina
8

imagerie de la conscience

Un long plan d'un croisement de deux rues, au fond une maison. Tout est statique ou presque, quasi-figé. Nous nous attendons à ce qu'il s'y passe quelque chose. Une femme sort de la maison. Un...

le 13 nov. 2015

48 j'aime

8

Her
Palatina
7

Le cœur à l'épreuve d'une romance informatisée

Un homme. Solitaire. Tendre. Négligemment dépressif. Il est à la fois geek et épistolier talentueux. Théodore (Joaquin Phoenix) manie en effet avec brio les doux mots d'amour, telles que ses rimes...

le 17 janv. 2015

38 j'aime

9

Silence
Palatina
7

La Foi selon Scorsese

On dit qu’aimer, c’est la moitié de croire. « Aimer Dieu » et « croire en Dieu » restent néanmoins deux pans fort distincts, fort distants. Ils se révèlent d’abord être un choix en âme et conscience...

le 10 févr. 2017

34 j'aime

8