Après son premier long-métrage Les Chansons que mes frères m’ont apprises, la réalisatrice sino-américaine Chloé Zhao revient avec un film envoûtant et teinté de la mythologie du grand Ouest Américain. Une chevauchée boiteuse mais fière pour Brady Blackburn (Brady Jandreau) qui incarne ici sa propre histoire. L’acteur néophyte a l'aplomb d’un corsaire, une présence chamanique, envoûtante, rare et brutale. En ouverture: les réminiscences d’un cheval en close-up, le souffle de l’animal, guerrier, des flashbacks hypnotiques. Puis le rider se dégrafe le crâne à l'Opinel cranté. Ici aucun artifice, le cowboy libère sa propre plaie. Une bête lui a sabré la tête au sabot, les médecins sont formels, remonter à cheval lui coûterait la vie …
Les milles feuillets de l’homme se déploient dans un tissu social fragile...
“Qui suis-je? Où vais-je ? Dans quel état j'erre?”... Aux antipodes d’une fascination pour les héros en civil, la cinéaste nous épargne le portrait lénifiant de celui qui brave la fatalité pour réapprendre à vivre au profit d’une fable existentielle: (Re)définir le “soi” pour celui qui ne s’était jamais envisagé au-delà de ses origines de cowboy et Sioux Lakotas, pourquoi avoir végété 3 jours dans le coma pour se réveiller inapte? Le suicide conjurerait-il le sort? … Les milles feuillets de l’homme se déploient dans un tissu social fragile. Les vertiges horizontaux des plaines de Pine Ridge se mêlent aux bavures de l’histoire américaine. Rappelons que les terres de Pine Ridge sont celles du massacre des amérindiens Lakotas à Wounded Knee en 1890 et, au-delà de la masculinité, la réalisatrice questionne l’identité américaine.
Une épopée philosophique contemplative, naturaliste et organique...
La chose est assez rare pour être dite, «The Rider» est un joyau d’une grâce apaisante. Rencontrés en 2013 sur le tournage de son précédent film, la famille Jandreau et la majorité des protagonistes incarnent leur propre histoire. Le film nous offre des moments d’une complicité délicate: avec sa petite soeur Lily atteinte du syndrome d’Asperger, lorsqu'il rend visite à son ami Lane, ancien cador du rodéo resté tétraplégique, et jusqu’aux accrocs inévitables avec son père. Cela aurait pu être pleurnichard mais «The Rider» se révèle être une épopée philosophique contemplative, naturaliste et organique. Un deuxième long-métrage comme une ode à la vie et à l’Outback du Dakota. Si nous en doutions encore, Chloé Zhao prouve une nouvelle fois qu’elle est l’une des réalisatrices les plus prometteuses de sa génération.
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