The road to race track (1991) - 경마장 가는 길 / 144 min.
Réalisateur : Jang Sun-Woo - 장선우
Acteurs principaux : Mun Seong-Kun - 문성근 ; Kang Soo-Yeon - 강수연
Mots-clefs : Corée ; Amour ; Erotisme ; Société.
Le pitch :
Après six ans d’études à Paris, R. retrouve sa femme et ses enfants en Corée mais décide de divorcer pour poursuivre sa relation avec son amante rencontrée en France, J., qui se refuse à lui. Confronté à la société coréenne après avoir connu la vie parisienne, critique de la société coréenne post-dictature.
Premières impressions :
J'ai eu la chance de découvrir ce film au sein du festival Seoul Hypnotique (Paris), certes un peu par hasard, mais quel beau hasard. The road to the race track est un film de cinéphile qui ne contient presque exclusivement qu'un long dialogue entre deux protagonistes qui ne seront jamais nommés et sur lesquels tout repose. Il s'agit d'un film long, lent, mais qui n'est pas du tout un film contemplatif. Le dialogue ne s'arrête jamais vraiment, y compris chez le spectateur.
J'ai en effet passé une bonne heure après la séance à discuter du film, de sa fin, de ce que chacun y a vu. Et on peut y voir tellement de choses. Certains se sont concentrés sur l'amour, le jeu de dupes entre J. et R., pour comprendre pourquoi J. se refuse à R. alors qu'ils ont partagés trois ans de vie commune à Paris. D'autres y voient une critique sévère de la société, comme si malgré la chute de la dictature, rien n'avait vraiment changé.
J'y ai vu un peu de tout cela, j'ai surtout vu le film sous un angle sociétal, voire interculturel. Alors que R. revient tout juste de la France, il se confronte aux interdits de la société coréenne qu'il ne comprend plus. J. a également vécu en France, mais elle est rentrée depuis un an déjà. Le mariage est de nouveau important, la sexualité doit être bridée. Si l'homme est le dominant, plein de désirs et d'amour, mais également très violent, presque violeur, quémandant le sexe, la femme a le pouvoir voir doit le lui refuser, et ce même si elle en a envie. Si l'homme peut quitter femme et enfant, oubliant tout devoir familial, la femme peut lui refuser le divorce et donc la relation avec une autre.
Le film a dû choquer en 1991, à la fois par les mots très crus qu'utilise R. pour parler de son désir, mais également par sa revendication de vouloir vivre avec sa maitresse. La France est alors utilisée comme une sorte de caution morale aux fantasmes, en symbole de la liberté et de l'amour, mais également comme un pays de fuite où la morale importe peu grâce à la distance avec la Corée. Pourtant, l'indécence qu'à R. envers sa famille, son arrivisme et son harcèlement sexuel empêchent le film de tomber dans la critique grossière et frontale de la société coréenne.
Voilà, ce film est tout cela et plus encore. Parce le jeu exceptionnel des acteurs pourrait se suffire à lui-même, parce que la subtilité du scénario vaudrait trois oscars, parce que je suis ressorti du film avec milles questions aussi diverses que la place des enfants, l'importance de la virginité ou encore l'aspect dominant/dominé des relations hommes/femmes, pour sa fin magistrale, j'ai adoré ce film. J'y ressenti tout l'intérêt du réalisateur pour les questions de société et je ne peux que regretter son choix d'avoir arrêté son métier dans le cinéma pour se consacrer, à son autre métier, celui d'anthropologue.
Pour les curieux, sachez que ce film est disponible gratuitement et légalement sur Youtube en sous-titres anglais grâce à l'institution de préservation des films coréens. N'hésitez pas à venir échanger vos impressions car je crois que je pourrais en parler des heures.