Difficile de se lancer dans une critique du soi-disant "plus mauvais film de tous les temps" tant le long-métrage est devenu malgré lui un monument nanardesque. Il n'est pas évident non plus de se lancer dans le visionnage de The Room de par sa notoriété et sa réputation démesurée. Difficile de rester neutre, tout simplement.
Objectivement, The Room est d'une piètre faiblesse dans l'industrie du cinéma. Un navet. Un objet filmique sans nom. Un film dénué de sens et d'identité à l'instar de Tommy Wiseau : à la fois réalisateur, producteur, scénariste, et surtout acteur principal au personnage si creux qu'il en devient intéressant et unique.
Casting terrible, interprétations molles pour ne pas dire absentes, mise en scène très peu inspirée, après tout, on s'y attend à tout cela, c'est "le plus mauvais film de tous les temps". Est-il nécessaire de revenir en détail sur ces points ? Posons-nous plutôt une autre question, plus essentielle, The Room est-il réellement une abomination ? Cette réflexion est la raison pour laquelle le projet de Tommy Wiseau réside encore dans les esprits, le film oscille admirablement - et inconsciemment - entre le navrant scénaristique et l'idée de génie.
Tommy Wiseau - génie incompris ? - ne s'attendait certainement pas à ce que The Room devienne une oeuvre surréaliste de par son non-talent à la vérité pure. Incroyable. Et impensable. À défaut de devenir le drame initialement écrit, The Room en devient une comédie sans queue ni tête mais ô combien drôle. Le spectateur ne rit pas seulement du film, il rit avec le film. Il y a étrangement une certaine ingéniosité dans ce foutoir, dans cette parodie-pastiche-copie (?) de soap-opéra.
Situations incongrues, recours abusif aux scènes de sexe, alchimie inexistante entre les comédiens, rien ne va, et pourtant tout va bien. On ne s'ennuie jamais. The Room est la tête de turque dont on se moque secrètement, le plaisir coupable par excellence. Une expérience. Indescriptible.
Le prochain film de James Franco, The Disaster Artist, revenant sur le tournage laborieux de The Room semble par ailleurs - au vu de sa bande-annonce - être un prolongement parfait et en un sens l'hommage idéal à Tommy Wiseau, cinéaste-OVNI.
(Très) Loin d'être une oeuvre majeure du septième art, The Room reste tout de même bien plus agréable à visionner - dans un certain contexte - que de trop nombreuses comédies sans saveur et sans originalité.