Laissons crever le soldat Ryan
Après Thor, le blondinet bodybuildé qui fendait le cosmos juché sur un arc-en-ciel, Kenneth Brannagh récidive avec une nouvelle bouse Hollywoodienne, et porte même le genre vers des cimes inattendues. Des aventures de Jack Ryan, initiées par feu Tom Clancy qui doit faire ventilateur six pieds sous terre à l'heure qu'il est à force de se retourner, Kenneth Brannagh conserve les grandes lignes: notre héros du jour est bien la gosse tête attendue, et déploie bien tous les efforts du monde pour désamorcer le kraken russe. Sauf qu'au lieu de la guerre froide, le maladroit cinéaste balance en pâture au spectateur affligé un pastiche de la crise de 2009 mixé aux réminiscences du 11 Septembre (cocktail explosif s'il en est), le tout sous l’œil outré d'un Jack Ryan improbable au regard bovin et aux lèvre botoxées. Absolument tout se casse la gueule, du scénario complètement décousu vaguement élaboré autour d'un exposé de sixième sur la bourse mondiale, au jeu d'acteur à ce point en roue libre qu'il en devient involontairement risible. Tout n'est que cliché, et surtout du côté Européen de l'Atlantique; ainsi, le grand méchant, inénarrable Kenneth Brannagh en pleine crise de cabotinage aiguë, est du genre vodka/poignard/coureur de jupons, surmonté d'une forte propension à la violence gratuite et d'un amour immodéré pour la musique baroque - tandis que la copine de Jack, elle, incarne une impeccable jouvencelle pleine d'esprit d'initiative (mais pas trop, faudrait pas qu'elle pense à s'émanciper non plus) et qui n'attend que le premier rebondissement venu pour se métamorphoser en demoiselle en détresse. Notons qu'elle aura dans le film une utilité majeure: reconnaître sur une photo piratée depuis un compte terroriste les bâtiments de Wall Street, à l'inverse de son mec, qui y travaille pourtant sous couverture depuis une décennie. C'est qu'elle est multi-fonction, la donzelle: de faire valoir, la voilà qui se transforme en un clin d’œil en deus ex machina. N'oublions pas, pour couronner le tout, de souligner la valeur ajoutée des dialogues qui oscillent entre l'indigent et le carrément surréaliste (morceau choisi: "- Veux tu m'épouser? - Est-ce que tu as une aventure? - Je suis analyste, je fais plein de choses seul! - Si ton travail ne te plaît pas, tu devrais peut-être songer à en changer!" Juste: WOW.), et de la mise en scène complètement impersonnelle et même illisible pendant les scènes d'action (au point de donner l'impression qu'il manque carrément des morceaux de pellicule, mais après tout on est plus à ça près), afin de mieux considérer The Ryan Initiative pour ce qu'il est vraiment: une ébauche de court-métrage étudiant, avec en sus le plan final le plus moche de l'histoire du cinéma.
Non parce que vraiment, j'ai beau retourner le problème, je ne vois pas d'autre explication.
(En passant, l'inventivité de l'équipe promotionnelle est du même acabit que celle du film lui-même: "Ne faites confiance à personne...", really? Y'a même pas l'ébauche d'un Twist dans le film. POUR CA FAUDRAIT QU'IL Y AIT UN SCÉNARIO LES GARS.)