Ayant vu ce film sans savoir ce que je m'apprêtais à regarder, je vous conseille de ne pas lire cette critique si vous vous apprêtez à le visionner. Le fait d'être complètement dans le brouillard face à cet nième found footage permet de garder intactes certaines surprises.
Avec The Sacrament, ignorant pleinement dans quoi je m'embarquais, les premières secondes et leur texte rabâché me donnait le sentiment épuisant de me replonger dans ce que le found footage n'arrive plus à offrir : de la nouveauté. Quelques lignes pour accentuer l'attachement au réel, la source de ce procédé est tarie depuis bien longtemps maintenant. Alors lorsque nos héros reporters rattachés au magazine Vice tentent très rapidement de poser les bases de cette expédition à la fois personnelle pour l'un et purement journalistique pour les deux autres, on s'attend simplement à la longue lutte pour survivre inévitablement liée à l'envie indéfectible et parfois ridicule de filmer quoiqu'il en coûte.
Et bien, pas tout à fait. The Sacrament réussit grâce à une tension diffuse qui s'accentue crescendo à nous interroger sur la finalité de tout ceci. L'arrivée de ces 3 amis dans cette communauté reculée en pleine jungle interroge et le malaise d'abord sporadique mis en avant avec la petite Samantha, finira par véritablement se faire sentir lorsqu’apparaîtra la figure patriarcale derrière toute cette organisation.
Gene Jones est d'ailleurs le seul acteur véritablement impactant dans ce film qui s'inspire très ouvertement du massacre de Jonestown survenu en 1978. Son arrivée à la nuit tombée, précédé de son charisme prophétique relayé par ses fidèles, finit d'installer un sentiment de malaise lorsque son hospitalité se délite doucement face à ses propos. La tension palpable de la scène de l'interview marque le tournant du film et elle finit de désarmer nos reporters face à la pointe de folie de ce prêcheur faussement ouvert et accueillant, laissant place à de multiples questions.
A partir de là, The Sacrament devient véritablement oppressant. On est au 2/3 du film et si rien ne s'est véritablement passé, les minutes se sont enchaînées grâce à une bonne gestion de l'information. Ti West utilise pleinement l'impact de la caméra à l'épaule et du temps réel pour nous donner des révélations au compte-goutte. Contrairement aux sujets habituels du genre qui nous pousse à imaginer une histoire baignée de surnaturel, le réalisateur nous prend à rebours en restant très terre à terre et le film ne s'attarde pas à nous montrer l'incompréhensible. Il se contente de nous laisser dans l'incompréhension comme ses personnages. Un bon point d'ailleurs avec l'utilisation de la petite fille Samantha qui nous trompe et pousse notre esprit à bifurquer vers le fantastique surconsommé de ce type de récit caméra à l'épaule.
Ainsi, jusqu'à la scène finale ou tout s'accélère dans un déferlement de prédications morbides, la voix rassurantes et redoutables de notre "Père" poussent les adeptes de cette communauté à l'impensable en leur donnant un dernier coup de pouce alors qu'ils sont déjà au pied du précipice. On passe alors dans une dernière demie heure où l'action prend le relais et où les images fortes et dérangeantes face à l'incompréhension d'un tel acte se succèdent.
Au final, si on ne s'est pas ennuyé, si le film n'a rien d'exceptionnel, il a le mérite de rester captivant (lorsqu'on l'attaque l'esprit vierge) en ne décrivant pas une nouvelle fois une histoires de fantômes et autres esprits revêches et surtout, en mettant en lumière un fait historique glaçant imputé au "pasteur" Jim Jones.