Ce film présenté à Cannes dans la sélection Un Certain Regard avait fait plutôt bonne impression. Et il est la preuve évidente qu’il ne faut jamais quitter la salle (ou arrêter le visionnage si c’est une plateforme) avant la fin d’un long-métrage. En effet, « The Stranger » est une œuvre qui doit sa laisser apprivoiser, une de celles que l’on ne peut juger et véritablement apprécier qu’en l’ayant regardée en entier. Un film qui se révèle à nous et à notre pleine compréhension qu’au bout d’une bonne moitié de projection. Avant, c’est très lent, très abscons, très froid et clairement pas aguicheur pour le spectateur. On se demande qui est qui, qui fait quoi et pourquoi et tout ce qui se passe à l’écran nous apparaît trouble et sans but.
Mais, petit à petit, des indices nous sont offerts avec parcimonie. Il ne faut pas le nier, après presque la moitié du film à s’ennuyer poliment on désespère de savoir où tout cela va nous emmener. On est cependant intrigué par la finalité de cette histoire mêlant enlèvement, pédophilie, infiltration, faux semblants et mise en scène qui est surtout tirée d’une réelle enquête ayant eu lieu en Australie il y a vingt ans. L’attente est enfin récompensée dans la seconde moitié puisqu’on est enfin comblé par une sorte d’exercice de style tentaculaire et intelligent. L’ambiance de « The Stranger » est clairement glaciale et fait penser un peu à la série « Mindhunters » par son côté languissant et désincarné. Tout est sombre et d’une froideur clinique à en avoir froid dans le dos. Et les magistrales et rares notes de musique de la bande son, constituées de quelques notes de cordes bien sombres, ajoutent à ce ressenti macabre et ténébreux.
Le duo composé de Sean Harris et Joel Edgerton fonctionne bien et le premier impressionne et tétanise comme souvent. Et, sans s’en rendre compte, on réalise durant la seconde heure qu’on est comme hypnotisé et totalement captivé par ce qui se passe à l’écran jusqu’à un dénouement implacable qui donne toute sa valeur à ce suspense. Un suspense volontairement neurasthénique dans son rythme mais complètement brillant et implacable dans son déroulé. Lorsque la toile d’araignée qui donne au script sa complexité est vue d’ensemble vers la fin, on remet tout le film en perspective et on se dit que l’on regardait de trop près et qu’il fallait juste attendre et prendre du recul. C’est très fort, mais ce côté nébuleux sur le fond, en plus d’être visuellement tout aussi ascétique qu’un film de Michael Haneke, n’aideront pas à le rendre facilement appréhendable. C’est ce qui s’appelle une œuvre qui se mérite.
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