Si seulement j'avais eu mal au coeur, j'aurais mis une meilleure note

C'était une des attentes de l'année depuis son passage remarqué à Cannes et j'avais bien aimé Revenge, un rape and revenge qui ne se contentait pas du rape et qui proposait une approche féministe et pop du genre ! Le moi de 17 ans avait adoré. Cinq années plus tard, Fargeat revient (youpi que je me dis) avec The Substance. Sur le papier, ça a l'air de reprendre les codes déjà utilisés dans Revenge et de les transposer dans le body horror. Je ne suis pas un amateur (ni de rape and revenge) mais c'est toujours prometteur. Barbie en mieux ! Voilà ce qu'on nous vend.


Eh bah... c'était pas ouf. Non vraiment. Si on retire les vingt dernières minutes, le film tourne rapidement en rond. Je me doute que Fargeat, par sa mise en scène, dénonce le male gaze (concept qui existe sans exister mais passons). Alors, ça empile les gros plans, ça montre les corps féminins... des culottes, des seins, des culs ! Puis, les corps se dégradent... s'entredévorent... ça suinte, ça craque, ça pendouille... Et là, on a fait le tour du film. Il n'y a pas grand chose d'autre. Le message est simplissime. En fait, le film fait rapidement le tour de son sujet et se contente de n'être qu'une descente aux enfers pendant 2h20, descente assez légère dirons nous. C'était loin de la pub qu'on lui a faite à Cannes. A vrai dire, les tics de mise en scène sont très répétitifs. Et Fargeat fait le choix, tout à fait honorable, de n'en montrer plus qu'elle n'en dit (ce qui est une très bonne chose, je hais la didactique au cinéma). Mais sur 2h à montrer une autodestruction, on sait vite où ça va sans pour autant être scotché à son siège.


Le film est une proposition purement plastique qui si elle avait duré moins longtemps aurait sans doute été bien plus prenante. Le film passe du clinique pendant une 2h au grotesque pour ses dernières 20 minutes. Et j'avoue c'était un peu rigolo de voir une version grand guignolesque de Carrie au bal du diable. J'ai ri (un peu vraiment un peu). Mais ça ne rattrape les deux heures précédentes. L'esthétique de Fargeat n'est inintéressante et je retrouve ce que j'ai aimé dans Revenge en fois dix. Et ça va vite à l’écœurement. J'ai l'impression de voir deux mécaniques qui se luttent pour prendre la première place (comme les deux protagonistes). D'un côté, le clinique (tous les plans dans la douche, les décors) et de l'autre, le grotesque (les gros plans, le body horror et le grand final) et l'un et l'autre ne parviennent pas à vraiment se mêler dans la mise en scène. Il y a un espèce de décalage bizarre entre ces deux manières de mettre en scène qui ruine la plastique du film. J'ai saturé arrivé à un moment. Et c'est pas le gore qui a réussi à faire ça (hélas, j'aurais bien voulu avoir la nausée mais je n'ai eu qu'un petit éclat de rire). Pour autant, le film est vraiment bien foutu visuellement parlant et les effets pratiques sont tout à fait corrects. Mais ça ne sort pas des sentiers battus pour autant. J'ai le sentiment que Fargeat reste prisonnière de ses références à ce niveau-là. C'est vu et revu. Ce n'est pas profondément dérangeant, c'est dans la norme de ce qui s'est fait dans le body horror. Ça m'en touche une sans faire bouger l'autre.


Demi Moore et Margaret Qualley forment un duo incroyable nonobstant. Et le jeu des deux est la force principale du film mais c'est largement contrebalancé par l'esthétique répétitive, la banalité de ce qui est raconté et des effets pratiques corrects. En fait, j'en aurais voulu tellement plus. On a la même chose pendant deux heures, avec un message clair dès l'ouverture du film. "Vilain male gaze !" nous dit elle en substance. Ce n'est pas pour dire qu'elle traite mal son sujet, elle y met du cinéma au lieu de faire de la morale, ce qui est un bon point. Mais son cinéma sature vite et je n'ai pas retrouvé ce qui m'avait plus dans Revenge. Peut-être est-ce parce que je ne suis plus un adolescent ?


Coralie Fargeat fait du cinéma, elle s'est plantée, ça arrive. Dommage.



Adanberos
4
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le 25 oct. 2024

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