Elle en pire
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Coralie Fargeat offre un exercice maîtrisé et sans temps mort sur la condition féminine et le mal-gaze, quand d'autres s'y seront essayées avec tiédeur ou en inversant leur dénonciation, assaisonnant le tout d'actes de violence improbables, de bruitages divers et variés, de folie exacerbée, que l'on appréciera ou pas, mais qui répondent vaillamment à un cinéma sans complexe. On pense aussi aux délires créatifs actuels de Ryan Murphy, pour mieux révéler les monstres incontrôlables qui se cachent en nous.
Pour son second métrage, la réalisatrice s'affirme et profite de son sujet pour rendre hommage aux body-horror des années 80, où les visages déformés pouvaient nous donner des frissons par l'originalité d'un nouveau cinéma, mais ne faisaient pas si peur, pas plus qu'ici. Tout en convoquant également les doubles du cinéma, les scènes de transformation décriées de ci de là, sont même assez délicates, plus frontales dans leur effet et leur redondance, que vraiment horrifiques, pour rendre compte en miroir, de ce que la chirurgie esthétique pourrait amener de souffrance physique et psychologique.
Combats perpétuels de l'esprit face aux injonctions sociétales, dédoublement de la personnalité, de haine de soi et de rejet de notre condition vieillissante, s'annihilant nous-mêmes, les diktats formatent l'esprit au point d'en oublier notre identité pour une ligne directrice qui ne laisse guère de chance à l'optimisme.
La jeunesse prête à tout, n'est qu'affiche placardée et colorée au sourire figé. C'est clinquant et inutile comme une émission de télé-réalité, pour celles qui plongent avec délectation dans le regard de ceux qui mènent la danse. Les bodys échancrés répondent à la vacuité du moment et à l'aveuglement et ce sera l'envers du décor pour celles qui dépassent la limite d'âge. La froideur aseptisée des lieux de vie parfaitement choisis et malaisants, répondent à la déshumanisation et à la solitude de celles devenues invisibles et les focales déformantes exacerbent l'enfermement et la perte de repères, pour une vengeance sanglante inévitable. Et au beau milieu de cette explosion sanguinolente, une petite touche de naturel et de drôle naïveté pour ces hommes grossiers et tout autant vieillissants, à se placer au-dessus du commun des mortelles, apporte sa touche d'humour féroce.
Véritable sujet sociétal, empruntant au gore sa métaphore, violent et excessif allant crescendo, on s'imprègne de notre réalité où telle l'autruche, nous éduquons toujours nos filles à leur future condition et nos garçons à la faire perdurer.
Plus abouti que son premier film Revenge, où la réalisatrice mettait en valeur le corps féminin de manière plus poussive encore sans que le fond ne suive toujours, ici ce sera sans ambiguïté dans la dénonciation de leur hyper-sexualisation pour fléau de notre époque de surconsommation.
On peut être ravi de ce cinéma, moins racoleur finalement que Titane, même si la résolution pas si attendue, relève du grotesque venant presque amoindrir ce que l'on aura vu jusqu'à présent s'il ne répondait pas au jusqu'au-boutisme de la réalisatrice et tant la thématique épouse parfaitement la forme.
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le 4 nov. 2024
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