Elle en pire
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le 10 oct. 2024
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Un festival de Cannes sans "chocs" sur un énième film sanglant c'est comme un hot-dog sans ketchup : c'est nutritif mais très fade. Dernier en date dans le genre du body horror, The Substance a l'apanage de fournir cette dose annuelle que le jury a honte d’apprécier : du cul, de la violence et beaucoup d'hémoglobine.
Nous suivons dans cette aventure sanglante Elizabeth Sparkle, actrice vieillissante qui subit l'oxymore de cette situation. Afin de remédier à sa condition et de retrouver sa gloire d'antan, elle décide d'utiliser la Substance un puissant produit capable de créer une meilleure version de soi-même par la duplication. Inutile de préciser que les conséquences seront évidemment désastreuses.
Oh bon sang le film ne fait pas dans la dentelle. Bien que le cadrage et la direction artistique soit réfléchis et de qualité, il en va autrement sur la composition de ces images. Sur les deux heures vingt que compte ce film, je pense sincèrement qu'au moins cinquante minutes constituent des gros plans parfois utiles mais le plus souvent abusif tantôt sur des liquides tantôt sur une particularité physique disgracieuse ou les deux en même temps. Cela n'arrête jamais et nuit au propos global car le gore doit toujours être utile. Lorsque Elizabeth Sparkle cherche à remettre en place sa jambe afin d'attraper son livre de cuisine française, on a au moins trente secondes sur sa souffrance alors qu'on la connaissait déjà. Résultat: la scène peut-être considérée comme superflue. C'est dommage car le film partait d'une bonne idée et surtout d'un bon sujet mais il ne peut s'empêcher de partir dans des extrêmes graphiques jusqu'au ridicule. Le liquide n'est cependant pas le seul point discutable qu'apporte The Substance.
Évidemment visible à des kilomètres, la question du regard masculin est centrale dans ce film. Incarnée à travers le personnage de l'horrible, répugnant et parodique Harvey The Substance ne fait encore une fois pas dans la dentelle et la mise en scène nous le fait bien comprendre en police 72, surligné et en gras. La scène d'Harvey dans les toilettes... sérieusement ? A la rigueur, qu'on me le montre comme un être détestable je veux bien mais fallait' il forcer à ce point pour enlever toute nuances ? Quoique ce n'est pas tout à fait vrai, la "nuance en aplat de couleur" est dans la réception du spectateur : les scènes d'aérobic qui cèdent la place à du strip-tease en tenue moulante (toute l'hypocrisie de cette époque moderne où la femme est sexualisée à l'extrême alors que le droit des femmes progresse) en est un des plus parfaits représentants. Mais étant un homme, comment dois-je le prendre ? Parce que l'objectif est clairement de se rincer l’œil sur une paire de fesses. A moins que cela soit une critique mais dans ce cas où est' elle ? Malheureusement, The Substance applique constamment une procédure sans jamais vouloir remettre en cause ou chercher à questionner celle-ci. A la place, j'aurai eu cinq minutes de strip-tease embarrassant et m'as-tu-vu avec les curseurs poussés à fond. Le fait qu'une femme soit la réalisatrice ne rend les choses que plus ambiguës avec toutes les questions que cela soulève : le regard féminin n'est' il qu'un autre regard masculin ? Filmer le corps sexualisé à l'outrance d'une femme par une autre femme peut' il être considéré comme du féminisme ? Filmer des femmes ainsi doit' il être réservé exclusivement aux femmes ?
Quoi qu'il en soit, la démonstration de Sue lors de l'émission pilote s'inscrit dans les limites de la parodie parce que c'est trop gros et trop vulgaire pour être pris au premier degré. Du moins je l'espère parce que je peux me tromper.
Pour encore rajouter à ses excès les références sont innombrables et parfois douteuses ou malvenues. La citation de 2001 l'Odyssée de l'Espace pour marquer le parallèle avec une révélation, une renaissance et une apothéose n'est pas très fin d'autant plus que c'est quasiment gratuit. Sachant que cela n’empêche nullement le monstre de déverser des hectolitres de sang cinq minutes plus tard avec toute la subtilité qui caractérise ce film.
Le seul élément où TheSubstance s'avère un minimum intéressant est dans la physiognomonie d'Elizabeth Sparkle, véritable créature (monstre est étymologiquement plus pertinent) du show-business dont la corruption physique relève d'une corruption morale et d'une haine de soi. Son aboutissement en tant que monstre (cette fois-ci véritable) réunissant la laideur de sa motivation et de ses actes, sa recherche de l'admiration des hommes et son mal-être permet une satisfaction, Elizabeth Sparkle redevenant ainsi celle qu'elle était, celle qu'elle est et celle qu'elle aurait dû ou pu être sans la moindre dichotomie. Ainsi, nous pouvons même faire un parallèle efficace avec le portrait de Dorian Gray dont les actions ignobles et sa volonté de rester toujours beau enlaidit la toile jusqu'au final où Gray à sa mort prend l’apparence laide de son tableau.
Une mort qu' Elizabeth Sparkle exploitera en aspergeant de son sang les responsables partiels de sa condition.
Mais les innombrables excès ne pourront à mes yeux sauver ce film de ses travers. Interroger par le pantalon plutôt que par l'esprit témoigne d'une facilité et d'un malencontreux manque de subtilité. Si The Substance peut être autre chose en fonction de la réception du spectateur, il y a bien une chose qu'il n'est pas : un chef d’œuvre délicat.
Créée
le 6 nov. 2024
Modifiée
le 22 nov. 2024
Critique lue 3 fois
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