Trouver l'aiguille dans des litres de sang...

Sur le papier, The Substance a tout pour plaire.

Un résumé accrocheur. Un concept porteur. Une critique de la marchandisation des corps féminins qui va dans le bon sens.

En outre, Demi Moore incarne parfaitement ce personnage d'animatrice télé qui, vieillissante, se voit inexorablement poussée sans ménagement aucun loin des projecteurs.


Le film débute sous de bons auspices. La dose de substance semble calibrée pour emporter le spectateur dans un voyage qui va secouer ses certitudes et le faire frissonner d'effroi. Certes la seringue apparaît vite un peu épaisse. Les hommes, en particulier le producteur de l'émission, sont présentés comme de véritables phallocrates qui ne perçoivent les femmes que sous l'angle d'objets sexuels destinés à réaliser la meilleure audience. La façon de manger de ce tyran audiovisuel est déjà bien répugnante. Je n'avais même pas reconnu Dennis Quaid tant il est immonde dans le rôle. Mais l'idée est là. Une femme de cinquante ans ne peut plus exciter l'audimat et il convient de la mettre au rebut, remplacée par de la chair plus fraîche. Un triste constat qu'il est difficile de ne pas partager. Demi Moore, la soixantaine bien tassée, se montre d'ailleurs sacrément courageuse dans ce rôle où elle dévoile son entière nudité. Jusque-là, le spectateur marche sur des œufs.


Malheureusement, les effets secondaires de la substance ne tardent pas à apparaître : effets qui saturent les sens, que ce soit les images (une véritable boucherie, puis des effets stroboscopiques), les sons (une musique entêtante, forte et agressive), le montage outrancier. En effet, là où un concept de ce genre aurait pu se développer par de savantes touches subtiles, la réalisatrice taille au hachoir. Oui, les hommes sont d'immondes porcs libidineux, les femmes de pauvres victimes d'un système qui les broie et les pousse aux pires extrémités. Tu n'as toujours pas compris ? La réalisatrice tranche dans la chair, au sens propre comme au figuré. La nouvelle égérie de la gym télévisuelle est filmée en détail sous tous les angles, même les plus racoleurs. Seule une femme aurait pu se permettre de tels cadrages, qui mettent d'ailleurs mal à l'aise (c'est sans doute le but). Mais jusque-là, porté par l'idée de cette évolution cellulaire, je suis encore dans le film, captivé par le récit et les effets en cascade du produit inoculé.


L'overdose survient alors dans la seconde partie de l'œuvre, l'outrance la plus folle devenant la règle. De l'hémoglobine par dizaines de litres mais surtout un scénario qui part totalement en sucette. La cohérence n'est plus de mise et les scènes navrantes se succèdent.

Demi Moore, devenue un véritable zombie, est capable de courir comme si elle avait 20 ans alors que son corps n'est plus que ruines. Le principe de la substance "remember you are one" est totalement battu en brèche tandis que l'une assassine l'autre dans une débauche de violence inouïe.

D'abord hébété, je me demande hagard jusqu'où le délire va se projeter. Je me disais que l'héroïne allait se réveiller et que l'histoire serait sauvée. Même pas. La division cellulaire habile du début a laissé la place à l'anarchie la plus totale. J'ai bien perçu le massage féministe que la réalisatrice souhaitait faire passer mais son manque de subtilité est tel que je suis sorti du corps du film.


J'espère, lors de ma prochaine séance de cinéma, une meilleure version d'une œuvre qui recelait pourtant un sacré potentiel.

Apostille
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le 11 nov. 2024

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