"En Art, l'évidence est un péché", disait un immense réalisateur.

Encore faudrait-il, pour comprendre et appliquer cette maxime, savoir qui est Edward Dmytryk, et je doute que Coralie Fargeat en ait l'embryon d'une idée. Quand le niveau de ta référence cinéphile, c'est de filmer un couloir orange et de dire "regarde, t'as vu ? On dirait Shining", c'est que tu n'as qu'une piètre idée de ce qu'est le cinéma.


De cinéma, il ne sera donc jamais question, dans The Substance. D'art non plus, d'ailleurs. Et quand on entend ceux qui ont cru percevoir dans ce truc une plus ou moins lointaine filiation avec le plus grand roman de l'histoire de la littérature, Le Portrait de Dorian Gray, on se remémore une certaine citation d'Audiard à propos de ceux qui osent tout, même des comparaisons incongrues...

Si Coralie Fargeat n'a pas une grande idée de ce qu'est le cinéma, elle ne sait pas beaucoup plus ce qui se cache derrière la magnifique peinture de l'âme humaine que le génial Oscar Wilde sut nous offrir en son temps, pas plus qu'elle ne semble être au courant que ce que l'auteur britannique poursuivait plus que tout, par monts et par vaux, c'était la quête de la Beauté.


Film primé à Cannes pour la qualité de son scénario (il aurait été difficile de récompenser des prestations d'acteurs d'une nullité aberrante), The Substance fait apparaître avec toujours plus de clarté le gouffre béant qui s'étend entre une sorte d'élite autoproclamée (et surtout autosatisfaite) des gens normaux. Si l'on s'amusera d'ailleurs à constater que ce film prétendument féministe ne passe même pas la barrière (idiote) du test de Bechdel, il en est une qu'il franchit haut la main, c'est le test du film bobo, qui répond à quelques questions simples :

- Y a-t-il de la nudité gratuite à tire-larigot ?

- Y a-t-il un attentat aux règles supposées d'une bienséance qui n'existe plus guère que dans l'imagination de la réalisatrice ?

- Y a-t-il un message soi-disant politique quelconque ? (Question subsidiaire : est-il assené avec la finesse d'un éléphant diabétique dans un joli champ de tulipes ?)

- Y a-t-il des jets de sang, de préférence sur des gens bien mis, en tenue de soirée ?

Bref, on le voit, The Substance fait partie de ces films auxquels on aurait pu accoler l'étiquette "avant-garde" à une époque désormais révolue. Le drame de ces films, c'est qu'ils arrivent trop tard. Il fut un temps où on l'aurait regardé avec un dégoût qui nous aurait révolté. Aujourd'hui, on le regarde avec un œil terriblement blasé, en se disant : "Mais Coralie Fargeat croit-elle vraiment faire de la provocation avec ça ?" C'en serait presque touchant si ça n'était pas aussi bête.


Il faut dire que les tenants d'un certain féminisme militant, bien plus militant que féministe, nous ont habitué depuis le temps à un niveau intellectuel qui, dans ses meilleurs moments, réussirait à se hisser péniblement à celui d'une moule. On se souvient des idioties sans nom que nous assénaient déjà les catastrophiques Men d'Alex Garland ou Suspiria de Luca Guadagnio. On frémit quand on constate qu'ils constitueraient presque des chefs-d'œuvre à côté de la merde pondue par Coralie Fargeat.

Si j'ai commencé cette critique (qui est autant une critique que le film de Mme Fargeat est un film) avec ma citation-fétiche d'Edward Dmytryk, c'est bien pour illustrer à quel point The Substance est un film pachydermique, à côté duquel Luc Besson passerait pour le nouveau Billy Wilder. En effet, à l'issue de ce film, une seule question m'est venue à l'esprit : faut-il être idiot pour être féministe ?

Bien sûr, je connais la réponse, ne prenez pas la peine de me l'apporter, mais le simple fait qu'on ait envie de se poser la question est - je le crois - suffisamment éloquent, par rapport à la subtilité de Fargeat. Peut-être certains croient-ils voir dans cette mise en scène qui réduit sans cesse les femmes à leur poitrine ou à leur fessier la preuve d'une exaltation de la femme dans toutes ses dimensions et sa complexité. On se permettra de soulever un sourcil dubitatif et de poser simplement une autre question à laquelle on ne répondra pas ici : si les mêmes plans avaient été tournés par un homme, qu'auraient dit les féministes revendiqués ?

En tous cas, quand on voit l'image que Coralie Fargeat se fait des hommes, on comprend que c'est avec la notion d'être humain en général que la réalisatrice a du mal à se débattre. Peut-être, dans un avenir prochain, serait-il souhaitable de créer une cagnotte Leetchi à son intention, pour lui financer un petit stage en immersion ?


Bref, si, dans ma courte carrière de cinéphile, il m'est fréquemment arrivé de m'élever contre la bêtise de certains films adulés par les zombies d'un site parfois très mal nommé SensCritique, j'ai fini par comprendre une chose. La tolérance, c'est bien, mais face à l'intolérance, rien ne vaut l'intolérance.

Quand une réalisatrice prend la caméra comme Don Quichotte prenait sa lance pour foncer à l'assaut de moulins qui n'avaient rien demandé à personne, elle ne mérite plus que je la regarde en me disant : "la pauvre, elle n'a rien compris, mais au moins, elle croyait bien faire." Vient un stade où l'ignorance rejoint la culpabilité, et où le mépris des uns ne peut plus se heurter qu'au mépris des autres.

Et contre un cinéma moralisateur, faussement provocateur, vraiment bobo, qui se complaît dans un entresoi auquel, surtout, la majeure partie de l'humanité n'est pas convié, il n'est qu'une seule arme qui vaille, celle de l'intolérance. L'intolérance à la médiocrité, à la bêtise, à l'arnaque artistique, l'intolérance à tout ce qui prétend être ce qu'il n'est pas, l'intolérance à tous ceux qui croient être les nouveaux David Fincher, et qui ne sont que les médiocres rejetons d'un Gaspar Noé mal digéré.


Bref, on ne sait pas qui Mme Fargeat croit choquer avec cette merde qu'on appelle bien par défaut "un film", mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a un grand oublié dans le processus : l'Art.

Finalement, la seule chose dont il est réellement question, dans ce film, c'est bel et bien de substance(s). Mais peut-être vaut-il mieux ne pas savoir desquelles il s'agit.

Tonto
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes C'est moi qui ai des goûts bizarres, ou c'est les autres ??? et Les meilleurs films de 2024

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le 12 nov. 2024

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Tonto

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