Avec The Substance, Coralie Fargeat signe un film à l'espoir audacieux et viscéral, explorant les thématiques du vieillissement, de l’obsession pour la jeunesse éternelle et des pressions sociales imposées aux corps féminins. Demi Moore, dans le rôle d’une célébrité déchue, livre une performance marquante, incarnant une descente aux enfers qui interroge notre rapport à l’apparence et au temps qui passe. Pourtant, malgré cette ambition, le film peine à transformer ses idées en une œuvre pleinement cohérente et convaincante.


The Substance transpire le wannabisme Cronenbergien. On y retrouve une tentative évidente d’hybrider horreur corporelle et réflexion sociale, mais sans atteindre la subtilité ni la cohérence du maître canadien. Comme dans son précédent film Revenge, Fargeat teinte son récit d’une misandrie à peine voilée : le "mal" et le "Male" sont synonymes. En effet, le mal est systématiquement incarné par des figures d’hommes cisgenres blancs caricaturaux, réduits à des rôles de manipulateurs ou de salauds. Si cette critique des élites est au cœur du propos, son manque de nuance affaiblit considérablement son impact.


La mise en scène, souvent trop appuyée, dessert également le film. Certaines séquences s’étirent inutilement, donnant l’impression d’un film bien trop long – au moins 30 minutes de trop. La scène finale, censée être un point d’orgue, n’a d’impact que sur des spectateurs peu familiers avec le genre. Si vous cherchez une critique acerbe des élites et d’un système oppressant, la scène des vomits dans "Sans filtre" de Ruben Östlund offre une approche bien plus profonde, radicale et percutante.


Un autre problème majeur réside dans les règles de cet univers, qui sont mal définies, mal exploitées et souvent incohérentes. On peine à comprendre la logique des passages entre les corps : se souvient-elle de ses moments dans son corps jeune ? Si oui, pourquoi ne prend-elle pas soin de son corps d’origine ? Et pourquoi hurle-t-elle à chaque réveil en découvrant les dégâts ? Pourquoi la voix répète-t-elle que "un=un", alors que tout dans l’expérience vécue par les personnages semble démontrer le contraire ? Et pourquoi se condamne-t-elle en rentrant trop tard dans son vieux corps ? Certes, la tentation de rester jeune est le thème central, mais le film échoue à clarifier ces enjeux fondamentaux et à structurer la mécanique qu’il propose. On a l’impression que ce concept, pourtant prometteur, est simplement utilisé comme prétexte, sans être véritablement approfondi.


Malgré ces défauts, The Substance n’est pas dénué d’intérêt. Sa volonté de critiquer les diktats imposés par les élites et l’obsession de la perfection corporelle est pertinente, même si elle manque de subtilité et de profondeur. Visuellement marquant et porté par une performance solide de Demi Moore, le film retient l’attention, mais semble déséquilibré, trop ambitieux pour son propre bien.


En fin de compte, The Substance est une œuvre qui cherche à provoquer et à choquer, mais son manque de rigueur et ses maladresses narratives l’empêchent de s’élever au niveau des références qu’il cherche manifestement à imiter. Une tentative audacieuse et parfois fascinante, mais largement inaboutie.

Le-Pitt
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le 24 janv. 2025

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Le Pitt

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