Quelle suprise !
On s'attend, à la vue de l'écran titre et de la date de sortie, à voir un film d'horreur bien kitsch, gore et plus drôle qu'effrayant, comme Carpenter a su en faire.
Et pourtant on se rend vite compte que les incohérences prétendues du début prennent tout leur sens et Carpenter livre un film qui petit à petit prend forme et dont le postulat de base se justifie.
Et l'efficacité du film en révèle le génie.
34 ans après sa sortie, The Thing perpétue le genre et nous effraie tout autant.
De part tout d'abord l'ambiance qui y est créée ; Carpenter, on le sait, en est et en reste) le roi.
Avec les notes oppressantes de la superbe B.O. qu'il signe avec Ennio Morricone, le bruit assourdissant d'une constante tempête de neige, les éclairages lugubres et les couloirs sinueux d'une base polaire retirée de tout, que Carpenter filme avec génie, à coups d'habiles steady-cam oppressants. D'un coin de mur on ne sait ce qui va surgir, ni sous quelle forme.
Car c'est bien là le défi ; malgré la débauche de maquillages et d'animatroniques superbement faits (encore aujourd'hui, où le numérique fait loi, les décors et accessoires du film font leur petit effet), Carpenter ne donne pas de vraie forme à sa chose, qu'il fait intelligemment passer de corps en corps, d'être en être, et donc de forme en forme. Il pousse donc la tension à son acmé en faisant prendre à son film une allure de thriller paranoïaque, de "Cluedo" vivant et horrifique, en faisant se suspecter chacun des personnages entre eux (et en nous convoquant par là-même à ce sadique jeu de doute) et, malgré le charisme de Kurt Russel, de ne jamais vraiment désigner un leader, un chef, un honnête, un intègre.
Sans abuser des éléments classiques d'un film d'horreur (le gore, les sursauts, les musiques oppressantes, qu'il manie avec parcimonie et intelligence) Carpenter livre un film à la force rare, à la puissance horrifique toute aussi rare, qui fait toujours aujourd'hui mouche et fout une claque à quiconque le découvre.